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Les lectures d'Efelle
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5 juin 2014

Tadjélé, récits d'exil de Léo Henry, Jacques Mucchielli, Laurent Kloetzer et Stéphane Perger

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Après Yama Loka Terminus et Bara Yogoï, Tadjélé complète le cycle d'Yirminadingrad. La ville s'est délestée de sa population, elle n'existe plus, peut être, peut être pas, un accident, une guerre, un mythe... Qui sait ? D'une minorité ethnique chassée bien des années auparavant à des réfugiés récents, ébauche d'un lieu, d'une époque, d'une ambiance...

D'un ger résonnait un tambour, un ronflement sourd comme le brame d'un cerf. Sans réfléchir, Svetlana Pehlivan a pénétré sous la tente. Le noir total, la sensation que son cerveau s'embrasait : Svetlana Pëhlivan s'est évanouie.

Dans sa vision, elle revécut ses interrogatoires, les séances de torture l'une après l'autre. Le moment où l'acide avait mordu la chair, l'impression que ses os mêmes étaient en feu, la peur et la honte. Puis, ses tortionnaires lui coupaient la tête, la posaient sur la table et, de ses yeux morts, elle les voyait la dépecer, tailler son corps en pièces, offrir sa chair au chien, au loup, au cerf, à l'ours. La douleur disparut, laissa place à un grand calme ; les lèvres de Svetlana Pehlivan s'entrouvirent et elle cracha :"Jamais."

Quand elle rouvrit les yeux, au milieu des Mongols qui veillaient sur sa transe, elle sut qu'elle resterait.

Véritable chantre du cycle, Laurent Kloetzer a rejoint les deux auteurs et l'illustrateur. A-t-il amené une partie de ses univers avec lui ou simple clin d'oeil des piliers d'Yrminadingrad ? Je n'en sais rien, toujours est-il que l'on peu trouver des allusions à CLEER ou Anamnèse de Lady Star dans ce recueil... Des emprunts qui collent bien aux ambiances désanchantées ou apocalyptiques. Quoi qu'il en soit difficile de savoir qui a écrit quoi et si certaines nouvelles restent difficile à appréhender nombre sont marquantes.

Mon texte avait un ton polémique, plus pour fair chier Dylan qu'autre chose, Yrminadingrad était une zone sinistrée, placée en quarantaine depuis plus de dix ans à la suite d'un incident industriel dont les autorités ne voulaient pas parler. Les infos que j'avais glanées à partir de Google parlaient de produits chimiques déversés, d'épidémie, de paysages post-atomiques. Non seulement on ne savait rien de ce qui s'était passé, mais encore l'évacuation de la population après la catastrophe aurait donné lieu à des exactions contre les habitants. Je comptais mettre l'accent sur les groupes écolos qui réclamaient une enquête internationale. J'ai passé une heure à lire un récit de l'exil des Adiniens, puis je me suis rendu compte que c'était publié sur un site de psychopathes, des terroristes nationalistes qui déliraient sur le retour de la population dans la ville contaminée.

Sur la vingtaine de textes, je retiens particulièrement Septième exode, récit apre qui ouvre le recueil. Si ce n'est Byzance, Le Dit du doigt second et Treize roses rouges dans une sculpture de verre et de lumière, récits narrant l'évolution d'un gang d'exilés tentant de se faire une place au soleil d'Istanbul. Confessions pour l'étrange relation numérique entre une jeune manequin, issue du peuple d'exilé, et un pro de la communication. Analyse de cas de psychogéographique : Origines hypothétiques du fantôme de la Caverne de Phil - Missoula, MT dont le récit choral, quelque peu déjanté, part d'une bagarre de bar dans un bled du sud des USA pour arriver à la manifestation d'un poltergeist.

- J'irai huit fois autour du monde. A chaque retour je ferai le récit de mes voyages. Ce que j'ai vécu, ce que j'ai vu, je le dirai facilement. Pour le reste, j'imaginerai. A toi de façonner le monde nouveau. A moi d'en inventer la légende.

Ainsi que le très hindouiste Une vie ordinaire - Etats intermédiaires qui nous entraînent en Inde le temps d'une vie. Au sud de la frontière, histoire déjantée d'un couple de justiciers insaisissables semant la terreur au sein des cartels mexicains. Un piège de sable pour sa ré interprétation d'un épisode du dernier roman de L. L. Kloetzer. Et enfin Les portes de la terre, pour son culte chtonien puis Les mauvais jours finiront pour sa dimension mythique qui conclu efficacement et ironiquement le livre.

Puisqu'il faut partir d'affabulations, cette chronique ne sera qu'une fable : puisse l'homme sage, en caressant les contours, en observant ce qui a été peint sur ses flancs, ce qui a été inventé pour l'orner, sentir qu'il y a quelque chose de monstrueux, qui nous menace tous, à l'intérieur du vase.

Si Tadjélé n'est pas une lecture évidente, il contient nombre de textes marquants et satisfaisants, la dernière pierre de l'édifice autour d'Yirminadingrad. Un bon moment.

 

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Commentaires
T
J'ai lu Yama loka terminus. J'avais bien aimé, même si pareillement certaines nouvelles étaient difficiles d'abord. Faudra u jour que je me penche sur Bara Yogoï et Tadjélé.
L
J'avais lu la première nouvelle, ça m'avait fait mal à mon humanité, une belle réussite, un texte vraiment fort !
G
Faudra que je finisse par y venir.
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