Yama Loka Terminus, dernières nouvelles de Yirminadingrad de Léo Henry et Jacques Mucchielli
Une fois l'an, sur le tronçon d'autoroute abandonné de la zone nord, les vingt ou trente chevaux de la ville courent sur le bitume. Il faut boucler cinq tours à la grande feria qui a lieu à l'automne, la seule qui compte vraiment, et à chaque tour attraper une bouteille de vodka pleine, la vider sans cesser d'éperonner.Les familles, les habitants du quartier, les curieux sont massés le long des glissières. Ils attendent de voir les coureurs tomber, les bêtes se briser la jambe dans un trou du macadam.
Yama Loka Terminus est l'évocation d'une cité d'Europe de l'Est ou de Russie en un temps incertain. Une cité de béton en partie ruinée et totalement surréaliste : Yirminadingrad.
- Yirminadingrad... Vous savez, quand je suis en déplacement, je rêve souvent de cette ville. J'y invente de grands travaux en cours. Des transformations. Des tours transparentes qui poussent dans les marais, de vieux transatlantiques qui rentrent dans la rade en sifflant, des plantes grimpantes qui craquellent le bitume d'autoroutes à l'abandon.
- ...
- Mais à chaque fois que j'y reviens, je me sens floué. J'ai conscience que ce n'était que des songes, bien sûr, mais je suis tout de même déçu de ne retrouver que cette cité grise, ces bâtiments sales, ce ciel bas, toujours fade, toujours plombé.
Plutôt qu'un guide touristique, nous avons ici vingt et un récits, s'interpellant parfois mais tous ayant à voir avec la cité. Des ambiances variées mais généralement amères, teintées par la déliquescence de la cité, affectant même les privilégiés.
On nous a finalement annoncé que tout était en voie de s'arranger, qu'il faudrait simplement patienter encore un peu. Ces explications n'ont pas satisfait les passages en transit.
Quant à moi, l'idée de me retrouver bloqué dans cette salle, dans une ville étrangère, loin de mes responsabilités et de mon quotidien, commence à me plaire de plus en plus. L'absurdité de la situation la rend presque amusante.
Difficile de présenter ce recueil orbitant autour de cette ville à la fois sinistre et fascinante. Les ambiances sont variées, il y a du Kafka, du Ballard, du Dick là dedans. Yama Loka Terminus est un voyage étrange, prenant et dérangeant. En ce qui me concerne, j'ai pris un billet pour y retourner avec Bara Yogoï.
Il m'a donné envie de faire une réservation : Le Pendu.