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Les lectures d'Efelle
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11 février 2009

Le soleil noir de la puissance 1796 – 1807 de Dominique de Villepin

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Le consulat aurait du adopter comme devise : « Unité, Egalité, Propriété » tant le respect religieux pour l’égalité civile va de pair avec une défense de la possession privée, le seul vecteur d’ordre et de distinction pouvant permettre de bâtir une élite héréditaire sur les décombres de l’ancienne. Comme la souveraineté du peuple, cet autre pilier fondateur de la France nouvelle souffre pourtant d’une ambiguïté initiale, résultant des conditions dans lesquelles les biens nationaux ont été mis en vente. Il s’agit ni plus ni moins de théoriser les bienfaits de l’hérédité de transmission à partir de sa violation, via la dépossession sans contrepartie des biens des émigrés et du clergé. Comme Brumaire pour Bonaparte, la nouvelle société s’appuie sur un coup d’Etat fondateur et souffre d’un déficit augural de légitimité, créant un fort sentiment de précarité chez les nouveaux possédants. C’est pourquoi l’inviolabilité de la nouvelle propriété n’a cessé d’être officiellement proclamée. 

Du début de sa fulgurante ascension jusqu’aux victoires militaires et diplomatiques équivoques d’Eylau et Tilsit, de Villepin retrace le parcours de Bonaparte en portant un soin particulier à décrire la situation politique du moment, à travers les écrits des écrivains et politiciens de l’époque.

Fin de la Terreur, Directoire, Consulat puis Empire, le bourbier politique est minutieusement décrit ainsi que l’opportunisme politique de Napoléon et le flair qui lui permet d’arriver au pouvoir. La description du personnage semble objective tant lors du coup d’Etat fondateur maladroit que les succès du Consulat. La dérive totalitaire et la fuite en avant militaire est bien mise en évidence de même que le changement d’attitude de l’Empereur.

Je ne connaissais cette période que de manière fragmentaire et ce livre a le mérite de tout remettre dans l’ordre. La thèse de Villepin est soutenue avec adresse et les lourdeurs de style ne sont à déplorer qu’en début de l’ouvrage (appelé Rousseau, Jean Jacques et Robespierre, Maximilien pour éviter des répétitions dans la même paragraphe ça me dérange un peu).

Le soin apporté à la situation politique et diplomatique permet de bien comprendre les enjeux militaires ainsi que des inimitiés mortelles qui suivront.

Ce premier volume ne porte donc que sur les succès de Bonaparte, la chute faisant l’objet d’un livre séparé.

Une lecture un peu difficile au début tant les citations sont nombreuses mais au fil des succès du personnage, Villepin trouve son rythme et la seconde moitié passe très bien et l’ensemble constitue au final une bonne synthèse. 

La dialectique infernale entre la gloire et la chute piège déjà l’Empereur. Il n’y a pas d’entente possible entre l’Europe et l’Empire comme il n’existe pas de synthèse durable entre l’hérédité et la passion égalitaire. Usurpateur de la Révolution pour les républicains et de l’Ancien Régime pour les royalistes, le « parvenu couronné » vit en permanence sur le fil du rasoir, obligé à un dangereux numéro d’équilibriste qui le précipitera dans le vide à la première fausse manœuvre. Toute pause, toute concession risque d’agiter les ambitions et de l’obliger à lâcher du lest. Justifiée par la peur, la dictature ne peut logiquement survivre qu’en suscitant de nouvelles peurs. Ayant soigné les maux intérieurs, elle doit en conséquence faire dériver l’angoisse vers les champs de bataille, puiser dans la guerre cette légitimité de relais qui lui donnera les moyens d’accroître son emprise de fer. L’insécurité consulaire trouve ainsi son prolongement naturel dans la conquête. Elle présente l’avantage de donner un second souffle à l’épopée de la Grande Nation en exportant le virus révolutionnaire, tout juste contenu en France, dans l’ensemble du continent ; elle maintient l’armée en activité, ranime l’ambition des généraux et leur évite de succomber à la tentation du complot. Sauf qu’en élargissant son cadre, de la France à l’Europe, le jeu devient encore plus complexe, donc dangereux. Il lui faut maintenant gérer la psychologie des peuples, les rivalités entre les puissances, connaître les forces et les faiblesses de chaque Etat, trouver le juste milieu entre force et séduction tout en veillant à conserver le soutien de son peuple. Le défi semble d’emblée impossible à relever.

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