Génocides de Thomas Disch
Les tiges géantes de la Plante s’élevaient à perte de vue, leur cime dissimulée par leur propre feuillage. Leur vert tendre, palpitant, vivant était immaculé et la Plante comme n’importe quelle créature dotée de vie refusait de s’accommoder de toute autre existence que la sienne. Il régnait dans la forêt une étrange et malsaine impression de solitude. Une solitude plus profonde que celle de l’adolescent et plus implacable que celle du prisonnier. D’une certaine manière, malgré ce déploiement de verdure et de vitalité, la forêt semblait morte. Peut-être était-ce parce qu’on n’y entendait aucun bruit.
Voici encore une lecture rendue nécessaire par Nébal et urgente par Gramovar (Quoi de neuf sur ma pile).
Un beau matin une pluie de spore s’abat sur la surface de notre planète, une nouvelle espèce d’arbre fait ainsi son apparition…. Des arbres qui se multiplient comme la vermine, atteignent deux cents mètres de haut, éliminent toute concurrence végétale et sont appuyés par des drones qui incinèrent tout ce qui bouge.
L’homme ne règne plus sur la Terre, quelqu’un a pris sa
place et gère ce « champ »de manière parfaitement rationnel.
L’intrigue va se focaliser sur les survivants d’un bled des
Etats-Unis, géré d’une main de fer par un patriarche WASP jusqu’au bout des
ongles. Plusieurs années après le début de l’invasion et l’effondrement des
états, ils résistent toujours bien que de manière singulièrement régressive et
violente. Quand ils ne doivent pas se défendre contre les pillards fuyant les
villes, c’est eux qui les abattent de manière préventive et ce même en
l’absence de danger parce qu’ils n’ont plus assez de bétail pour produire des
saucisses pour tout le monde.
Le récit se focalise donc sur Anderson, patriarche inspiré
par Dieu ; son fils Neil, sans doute bercé trop près du mur ; Buddy
le fils prodigue, parti vivre en ville et revenu la queue entre les jambes au
début de la catastrophe ; et finalement Orville, un ingénieur fuyant
l’incinération de sa ville, apprenti pillard épargné par les Anderson du fait
de ses compétences techniques, bien décidé à se venger de la manière la plus
cruelle possible des assassins de sa compagne.
Le monde pouvait mourir autour de lui. Peu importe : il
était vivant à nouveau. Il y avait eu, un temps, l’ivresse de la puissance. Pas la
puissance froide et contrôlée de l’argent qui avait régné autrefois, mais
celle, plus nouvelle – ou plus vieille – qui résulte de la capacité de perpétuer
l’iniquité.
Alors que tout s’écroulera autour d’eux, ces personnes n’auront de cesse de se déchirer, accélérant leur propre déchéance.
Un récit ironique et apocalyptique vu par le petit bout de la lorgnette, les extra terrestres ne seront que peu évoqués et totalement indifférent à la présence de l’espèce humaine (encore plus que dans Le grand silence de Silverberg) incapable de s’adapter.
Un roman court qui se dévore rapidement avec délectation.
Il découvrit un coin où la pulpe n’avait pas été dérangée et
s’y laissa tomber en arrière. Une fois qu’on s’était habitué au contact un peu
gluant, ce n’était pas trop désagréable : c’était doux, tiède et
confortable. Il aurait voulu de la lumière : le soleil, une lampe,
même la lueur rougeâtre et vacillante de l’incendie d’hier. Quelque chose dans
la situation présente l’effrayait, d’une façon qu’il n’arrivait pas à cerner.
Comme il y réfléchissait au moment de s’assoupir à nouveau, la réponse lui vint
soudain :
Des vers.
Ils étaient des vers à l’intérieur d’un fruit.