Légende de David Gemmell
Une fois qu’il fût seul, l’attitude de Rek changea :
les plis rieurs aux commissures de ses yeux s’estompèrent pour laisser place à
des rides de tension, presque de tristesse. Le temps de la puissance drenaïe
était révolu. Ulric et ses hordes nadires avaient déjà commencé à marcher sur
Drenan, et ils entreraient à cheval dans toutes les villes de la plaine, y
déversant une rivière de sang. Même si chaque guerrier drenaï tuait trente
Nadirs, il en resterait toujours des centaines de milliers.
Le monde changeait, et Rek commençait à manquer d’endroits
pour se terrer.
L’empire drenaï est en déclin, le dirigeant actuel a misé
sur des accords commerciaux pour tenir au loin le chef nadir Ulric, unificateur
de toutes les tribus de son peuple (le Gengis Khan local quoi…).
Sur sa route ne se dresse qu’un seul obstacle, la titanesque
forteresse drenaïe de Dros Delnoch, clé de la passe éponyme. Avec ces six
remparts successifs, le lieu semble imprenable.
Semble seulement, l’urbanisation galopante à mis à mal une
partie des ouvrages défensifs, la garnison est étique et mal entraînée, le
gouverneur agonisant et l’officier en chef incompétent.
Bien qu’agonisant, le Comte Delnar a toujours toute sa tête
aussi il a fait quérir un vieux compagnon d’armes, Druss la légende, vétéran de
toutes les guerres de sa génération.
Il n’en reste pas moins que Druss n’est qu’un homme
vieillissant…
Druss replia la lettre et la glissa dans une grande poche
intérieure de son gilet de cuir.
- Un vieil homme avec un genou enflé et un dos arthritique.
Si tu as misé tous tes espoirs sur un miracle, mon ami, il va te falloir le
chercher ailleurs.
Il y avait un miroir argenté à côté du lavabo, posé sur un
coffre en chêne. Druss y contempla sévèrement son reflet. Les yeux étaient d’un
bleu perçant, sa barbe coupée au carré, et la mâchoire qui se devinait en
dessous bien ferme. Il ôta son heaume de cuir et gratta ses épais cheveux gris.
Tout en remettant son heaume pour descendre dans la salle, de sombres pensées
l’assaillirent.
Virae la fille de Delnar a été envoyée conclure un accord
avec une petite confrérie de moine guerrier, en chemin elle rencontrera Rek. Un
ex officier drenaï obsédé par la peur mais qui se révèlera surprenant. A tout
ce petit monde s’ajoutera des hors la loi devenu mercenaires un temps pour
obtenir le pardon de leurs crimes.
Une bande hétéroclite face à une armée immense.
Ce récit est tant celui de Druss venu chercher une mort honorable dans ce combat perdu d’avance que celle de Rek qui représente l’espoir de la nouvelle génération. Le roman est bien mené, efficace et classique : réunion des protagonistes, préparation, sabotages et tentatives d’assassinat de la part de traîtres, désespoir des civils et finalement une bataille homérique.
Bien que présente la magie reste discrète et pas trop
envahissante à l’exception d’un point vers la fin du récit qui m’a déçu mais
c’est peut être parce que j’aime un peu trop les récits glauques.
Quoi qu’il en soit la dimension tragique reste intacte et la guerre vue par Gemmell
n’est ni esthétique ni plaisante. L’ensemble ne sombre pas dans le manichéisme,
les nadirs ne sont pas de sauvages cannibales et les drenaï des enfants de
chœurs au cœur pur.
Un très bon moment de fantasy, commerciale certes, mais
diablement efficace.
Par ici, dit le soldat, et Rek gravit les petites marches
qui menaient aux remparts.
Et il se figea. Sur la plaine, des milliers de torches et de
petits feux éclairaient l’armée nadire. Des tours d’assaut étaient dressées
dans la passe, d’un flanc de montagne à l’autre, tels des géants de bois. Toute
la vallée était illuminée aussi loin que portait la vue ; on aurait dit la
copie exacte du deuxième cercle des enfers.
- C’est une belle vue, pas vrai ? demanda le soldat.
- Je ne crois pas que cela ait meilleure figure en plein
jour, répondit Rek.