L'Histoire de France pour ceux qui n'aiment pas ça de Catherine Dufour

Au premier abord, l'histoire de France n'est pas facile à raconter. Et pour cause : c'est toujours la même chose. Des rois, encore des rois, une bonne centaine de rois qui s'appellent presque tous Louis.
Alors, plutôt que de prendre cette histoire comme un pensum, prenons-là comme un voyage. Embarquons sur un beau trois-mâts fin comme un oiseau, et descendons le fleuve du temps en braquant nos jumelles sur les rives des siècles.
C'est sur ses mots que Catherine Dufour nous embarque pour une croisière au fil du temps, s'arrêtant sur des points connus pour dynamiter les lieux communs et les idées reçues ou attaquer sous un angle railleur, avec une plume trempée dans le vitriol, certaines figures historiques ou époques.
Clovis finit sa vie à la tête d'un royaume qui n'épouse que de très loin les frontières de la France actuelle. Si vous voulez vous faire une idée, saisissez l'Hexagone à deux mains et ôtez-lui la Bretagne. Puis rabotez on flanc est jusqu'à Narbonne, Lyon, Dijon et Strasbourg. Enfin prolongez-le au nord jusqu'à Cologne et Bonn. Vous y êtes. La France de Clovis a davantage l'allure d'une banane allemande que d'un hexagone.
Bien que narrée sur un ton impertinent, la démarche est sérieuse et documentée.
Les rares chroniques mérovingiennes sont rédigées par des clercs qui ont reçu des ordres. Et ces ordres sont très éloignés de la recherche de la vérité historique. Ces braves moines sont payés pour démontrer que l'arrière-grand-mère du chef est une femme remarquable ou, au contraire, qu'il n'y a rien de pire qu'une femme au pouvoir. Ou encore, pour distraire leur auditoire avec des anecdotes croustillantes. Il faut bien occuper la Cour les jours de pluie.
Comme elle le constate, l'abondance de sources historiques n'est pas régulière. C'est avec un ton laconique que l'on passe sur nombre de règnes avant de passer à la moulinette quelque périodes plus documentées comme le règne de Philippe Le Bel, La Renaissance, les XVIe XVIIe siècles. Le romantisme en prend généralement un coup dans la gueule...
Dans ce club, on est prince, duc, maréchal ou tout à la fois. On s'appelle Richelieu, Saxe, Conti, Soubise, Lauraguais ou Lauzun. On aime la guerre, les femmes, la table, la bouteille, le luxe, les arts et dire du mal du roi, un peu dans le désordre.
Ces hauts messieurs à tête de linotte sont terriblement fiers de leurs titres. Et pourtant, ils fréquentent les salons des Lumières, où on dit beaucoup de mal de la noblesse. Ils versent des pensions aux philosophes des Lumières et font de la publicité à leurs livres.
En fait, les grands libertins ne voient dans la philosophie des Lumières qu'une bonne occasion de médire du monarque en place, passe-temps habituel pour tout noble qui se respecte.
C'est de cette façon qu'en toute splendeur et toute candeur, menant grand train et faisant grand scandale, de plus en plus coûteux et de plus en plus inutiles, nourrissant leurs pires ennemis dans le seul but de faire enrager leur unique protecteur, ils creusent eux-mêmes leur propre tombe.
Ceux qui n'auront pas l'intelligence de mourir avant la Révolution seront assassinés par les sans-culottes.
Catherine Dufour jette l'ancre au terme du XIXe siècle, le voyage aura été agréable, l'oeuvre de vulgarisation se mêlant à la bonne humeur malgré quelques parenthèses pour les sujets les plus sordides. On n'est pas assommé de date ou de conflits, la lecture devient vite addictive malgré parfois une trame historique quelque peu embrouillée, l'auteur préférant suivre des thématiques qu'une stricte narration historique (notamment lors du règne de Louis XIV). Qu'on aime l'histoire ou pas, qu'on en ait une bonne connaissance ou non, on devrait apprécier cet essai. Un excellent moment à recommander.