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24 mai 2015

Chants du cauchemar et de la nuit de Thomas Ligotti

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"Quoiqu'il en soit, il ne m'a pas décrit les choses avec un luxe de détails ignobles, comme on pourrait le penser. Lorsqu'il a mentionné "le plus mémorable de ses petits jeux", il l'a fait avec une très grande nostalgie, une sorte d'émerveillement intense, aussi choquant que cela puisse me sembler à présent. Il ressentait visiblement une sorte de mal du pays - bien que le "pays" en question ne soit qu'un misérable taudis sécrété par son esprit pourrissant. Sa psychose a de toute évidence engendré une effroyable contrée magique dont l'existence est un composant majeur de sa psychologie. En dépit de l'emphase malade de ses mille noms, il ne se conçoit que comme une personnalité mineure de ce monde-là - courtisant minable d'un royaume décati, riche en horreurs et en miracles.

Chants du cauchemar et de la nuit, de Thomas Ligotti, est un recueil de nouvelles très inspirés par les écrits de Poe, Meyrink et Lovecraft... Les textes oscillant entre le malaise insidieux et l'horreur à la plus directe. Tant les ambiances que les époques sont variées.

Ainsi le texte s'ouvre sur le contemporain Petits jeux, un texte de facture somme toute classique mais diablement efficace dans son cheminement. Malaise d'un psychiatre, oeuvrant dans un établissement de haute sécurité, face à un prisonnier des plus inquiétants.

Le rêve du mannequin est un récit, mêlant rêves et réalités, devant beaucoup à Meyrink, vaguement inquiétant, l'accroche très verbeuse ne m'a pas convaincu. Dans le même genre mais en beaucoup plus fluide, Le Chymiste convainc, avec son narrateur enflé de suffisance, cherchant à convaincre son interlocutrice muette, de son  propre génie.

Je suis un rejeton des morts. Je descends des défunts. Les fantômes m'ont engendré. Mes ancêtres sont les illustres multitudes de ceux qui ne sont plus, immenses, innombrables. Ma lignée est plus longue que le temps. Mon nom s'écrit au formol dans le livre des morts. Un noble sang coule dans mes veines.

Histoires de vampires contemporain, L'art perdu du crépuscule, est une indéniable réussite. Récit d'un être entre deux mondes, vivant en reclus et faisant le dos rond quand des membres de sa famille lui tendent la main.

Dr Voke et Mr Veech nous emmène dans un monde étrange à la Meyrink dans la résolution d'un triangle amoureux. Un dénouement cynique réjouissant mais une construction qui ne m'a pas totalement convaincu, un bilan mitigé.

Quête d'un ailleurs improbable, avec Vastarien, à travers la recherche d'un livre rare, étrange, impossible. Descente au coeur d'une folie obsessionnelle. Un très bon moment.

Hommage à Lovecraft dans Nethescurial, enquête sur un culte oublié, découverte d'une vérité cachée, indicible et atroce... Ligotti s'approprie efficacement les codes d'H.P.L, livrant une réécriture moderne. Un texte des plus plaisants.

Il était, ce champ, tout près des limites de la ville ; on le voyait très bien de la plupart de nos fenêtres. Il s'étendait, immense, entre des poteaux penchés, sous la lune ronde et radieuse, vide, hormis les pointes noires des bottes d'épis et une forme humaine dressée, immobile, dans la solitude de la nuit. La tête de l'épouvantail était mollement penchée sur son torse, comme si quelque sommeil grotesque s'était emparé de son corps fourré de paille ; les bras étaient étendus, flasques cependant, d'une manière qui évoquait une incroyable tentative d'envol. Il semble un bref instant que c'était un vent bien opiniâtre, celui qui gonflait cette salopette rapiécée et faisait ondoyer la flanelle usée de ces manches de chemise. Et c'eût été un vent bien puissant, celui qui faisait opiner dans ses rêves cette tête cousue.

Si Miss Plarr m'a laissé dubitatif malgré son ambiance étrange réussie, le très lovecraftien L'ombre au fond du monde m'a emporté. Intrusion d'une étrangeté venue d'ailleurs, là encore Ligotti maîtrise son sujet et livre un très bon récit.

Conversations dans une langue morte nous emmène dans la vie d'un homme solitaire dont la seule joie est le défilé d'enfants à sa porte lors de la nuit d'Halloween. Un texte cynique, assez surprenant et extrêmement bien mené. Une réussite.

Enfin Le Tsalal nous emmène aux frontières de la réalité, dans une ville sinistrée à suivre le rejeton d'un culte d'une entité indicible. Un gamin tourmenté par son père adoptif dans un but obscur. Un récit quelque part entre Meyrink et Lovecraft et surtout un très bon moment.

Ce recueil se révèle donc une bonne pioche avec une majorité de pépites. Le verbe de Ligotti est évocateur et prenant, réussissant à marcher dans les pas de Lovecraft sans outrance. Un très bon moment.

 

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Commentaires
L
Intrigant. Je le note, merci pour cette critique. ;)
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