029-Marie de Franck Manuel
Au loin, à travers me hublot, une colonne de fumée s'élève dans le ciel. Un vaisseau. Quand on sait ce qui vit là-haut, autant rester en bas. Le métro passe à présent au-dessus d'une ancienne ville. 029-Marie se penche pour mieux voir les vestiges. Elle a toujours été fascinée à l'idée de ces restes de l'ancienne humanité, l'humanité polluante, puante, copulante, l'humanité des maladies, de la transpiration, des sécrétions. Comment pourrait-on vouloir revenir à ça ? Ces naturalistes doivent être complètement fous. Tout se relâche.
Une société humaine ayant abôli les contacts physiques et la reproduction in-vivo, tout le monde vivant connecté via son implant, son Disque Cérébral, du moins pour les classes supèrieures le lumpenproletariat grouillant dans les ténèbres des niveaux inférieurs des cités souterraines, loin de tous ces codes et avancées...
029-Marie, enseignante en littérature est aussi une virtuose dans l'utilisation de son DC, oppressée par la présence de son fils qu'elle élève seule... Ses capacités d'introspection couplée à sa parfaite maîtrise de son DC intérèsse un obscur média : ils veulent lui faire infiltrer une filière clandestine de tourisme sexuel extra-terrestre, en tant que partie prenante, le journalisme gonzo dans sa veine la plus trash.
Des failles. Partout des failles, des fissures dans le Code. Et le voilà, le résultat. Des femmes qui cherchent ailleurs ce que leur corps réclame, ce que leur corps n'a pas oublié , à travers les générations successives. C'est cela qui les pousse. Un tempérament vicié, une certaine perversion. Ou, comme elle, rien de particulier, une curiosité vague, peut-être, un besoin de changement, un certain ennui. Après tout, il suffit de se laisser porter. Le vaisseau sait où il va. 006-Cindy aussi. Il n'y a qu'à suivre.
Rencontre avec des entités intelligentes ou créatures sauvages, volontaire ou sous la contrainte, cette épopée n'a rien de charmante mais ressemble rapidement à une descente sado-maso brutale. Le compte-rendu intériorisé, rendu par 029-Marie remporte un franc succès au sein de cette société inhibée. Toutefois, pour capter toujours plus d'audience avant que le public soit lassé, la chaîne underground lance une nouvcelle expèrience en immersion au sein de la filière masculine... Las, 065-Marc, le virtuose du DC sélectionnés n'est pas une sage enseignante mais un psychopathe du hacking, sorti de sa prison et reconnecté pour l'occasion...
L'araignée de Lazulia, c'était une bonne idée. Ses scénaristes avaient misé sur l'antipathie, le plaisir ressenti par les spectateurs en voyant ce petit fumier de 065-Marc se faire humilier. Mais lui, le petit fumier, a réussi à générer une gigantesque vague d'empathie. C'est cela qui a gêné, et considérablement, à en juger par les déconnexions et l'absence de revisionnage, c'est cette profonde tristesse, ce sentiment d'abandon qui s'est communiqué à tous ceux qui ont allumé leurs yeux. Dans la rue, au travail, dans les métros, dans les appartements, dans les lieux de projection collective, les gens se sont effondrés, d'un seul coup, tous saisis par un désespoir intolérable. Et les part de marché commencent déjà à décliner. Certains investisseurs lui tournent le dos.
Tout dérape et part en vrille, hors de contrôle les deux protagonistes prendront conscience du dessous des cartes et suivront leur propre voie jusqu'à leur inévitable rencontre... Découverte de soi, dépasser son traumatisme initial pour 029-Marie, développement de son empathie pour 065-Marc, le tout menant vers une certaine acceptation de soi. Très charnel, 029-Marie fascine et dérange à la fois mais le roman se lit tout seul, l'ambiance SF allégeant le propos. Une expérience unique et un très bon moment.
Une suggestion de Charybde 1.