Morwenna de Jo Walton
Ceci n'est pas une belle histoire, et ce n'est ps une histoire facile. Mais c'est une histoire qui parle de fées, donc sentez-vous libre de penser que c'est un conte de fées. De toute façon, vous n'y croyez pas.
Morwenna et sa soeur voyaient l'enchantement dans notre monde, celui du Pays de Galles à la fin des années 70. Un univers où elles intercédaient entre la société normale et le monde des fées. Se livrant à des rituels anodins pour redonner sa place à la nature, permettre à cette dernière et aux fées de réinvestir les friches industrielles. Las leur mère dispose de la même vision du monde qu'elles et entendait user de cette magie légère à ses propres fins. En l'affrontant indirectement, les choses ont mal tournées, Morwenna a été estropiée et sa jumelle est morte... En dépression, elle fuit de chez sa mère et finit par être placée chez son père qu'elle ne connaissait pas. Ce dernier sous l'impulsion de ses trois demi soeurs qui l'entretiennent, place Morwenna dans un pensionnat de jeune fille, très british.
Ma popularité, bizarrement, croît et décroït légèrement en même temps que mes notes. Elles se fichent des leçons et elles me détestent parce que je les bats, mais on gagne des points pour son équipe quand on a des notes exceptionnelles, et elles accordent une grande importance au classement de leur équipe. Il est déprimant de voir comme le pensionnant ressemble aux livres d'Enid Blyton, et ce qui s'en écarte, c'est parce que c'est pire.
Au fil des pages du journal intime de Mor, on découvre la douleur et la dépression qui la guette. Entre une nouvelle famille quelque peu distante, une mère sacrément dérangée dans ses correspondances, le manque causée par la rupture avec les autres membres de sa famille galloise et surtout la perte de sa jumelle. Le tout vécu dans un environnement glauque et opressant...
Vulgaire de parler d'argent, mais on peut très bien demander quel genre de voiture a votre père, et quel est son métier, et quel genre de maison il possède, et quelle sorte de manteau de fourrure à votre mère.
Finalement c'est via sa passion pour la littérature de genre ou bien aussi grâce à un rituel voué à lui trouver des amis, que Mor reprendra le dessus. La découverte d'un club de lecture à la bibliothèque locale, premiers émois amoureux... Finalement la vie n'est pas si terne, surtout lorsqu'elle pourra aussi renouer avec sa tante et ses grands parents (ainsi que découvrir son grand-père paternel, érudit et sage).
Je ne pense pas être commes les autres. Je veux dire fondamentalement. Ca ne tient pas uniquement à ce que je suis la moitié d'une paire de jumeaux, que je lis beaucoup et que je vois les fées. Ce n'est pas juste parce que je me tiens à l'extérieur alors qu'ils sont tous à l'intérieur. [...] Je pense que c'est la façon dont je me tiens à l'écart et regarde ce qui se passe au moment où les choses arrivent qui n'est pas normale. C'est une attitude nécessaire pour pratiquer la magie. Mais comme je ne vais pas recourir à la magie, ça ne sert à rien.
Malgré son profil atypique de rêveuse et de rat de bibliothèque, Mor se reconstuira une vie... Un pas après l'autre sur un chemin qui la mènera à une dernière ordalie cathartique...
En maintenant un doute quant au vécu magique de Morwenna, Jo Walton accroche son lecteur. Vécu ou imaginé ? Le quotidien gris de cette adolescente hors norme, malmenée par la vie, se pare de couleurs lors de ses sorties champêtres où les fées abondent, tandis que le décor est réinventé pour coller aux histoires de Tolkien. Tout peut être sujet à interprétation que ce soit vers le rationnel ou la pensée magique. Narrée avec tact, cette histoire s'avère des plus plaisantes, pleines de surprises et fortement référencée pour l'amateur de littérature de genre. Un excellent moment.
Les avis de Gromovar et Lorhkan.
Une lecture effectuée dans le cadre du Challenge SFFF au féminin.