Julian de Robert Charles Wilson
Il flottait surtout au-dessus du Dépotoir (de n'importe quel Dépotoir) l'inconfortable conscience que, en bon ou en mauvais état, ces objets avaient survécu à leurs créateurs... s'étaient révélés plus durables que la chair ou l'esprit (car les âmes des Profanes de l'Ancien Temps n'étaient presque certainement pas au premier rang pour la Résurrection).
Suite à la raréfaction du pétrole, la civilisation moderne s'est effondrée pour laisser place après une longue période de troubles et de famines, à une société calquée celles du XIXeme siècle, les USA sont devenues une théocratie chrétienne esclavagiste...
Adam Hazzard est un jeune homme issu de la classe laborieuse qui s'est lié d'amitié à Julian Comstock, neveu du président en place et éloigné du siège du gouvernement pour éviter les foudres de son oncle. Intelligent et brillant, le jeune homme ne partage finalement avec Adam que l'amour pour la littérature d'aventure... Ce dernier étant de son côté assez naïf, bigot et conservateur.
Notre amitié était essentiellement une amitié entre garçons. Je n'ai pu m'empêcher de passer en revue, durant notre captivité muette dans les ruines de Lundsford, tout ce que nous avions fait ensemble : lire, chasser dans les contreforts à l'ouest de Williams Ford, nous disputer amicalement sur des tas de sujets, depuis la Philosophie et la Visite de la Lune jusqu'au meilleur moyen de serrer une bride ou d'appâter. Je n'avais eu aucun mal, durant ces moments passés ensemble, à oublier que Julian était un Aristo proche des puissants, ou que son père avait été à la fois un héros et un traitre célèbre, ou que ses intérêts pouvaient ne pas tenir au coeur de son oncle Deklan Comstock, alias Deklan le Conquérant.
Quand la volonté du Président Comstock finit par rattraper Julian, Adam d'abord écarté pour son propre bien, ralliera son ami par loyauté et sera emporté dans la tourmente de la guerre et des luttes entre factions politiques, tout en réussissant l'exploit de rester bien hermétique à toute idée progressiste même si elles est professée par son épouse.
J'ai ensuite craint de trop bien comprendre. J'avais très souvent entendu Ben Kreel, à l'école du Dominion, parler des vices et vilenies de l'Ere Profane, dont certains subsistaient encore, d'après lui, dans les villes de l'Est : irréligion, scepticisme, occultisme, dépravation. Et j'ai pensé aux idées dont je m'étais imprégné avec tant de désinvolture par l'intermédiaire de Julian et (indirectement) de Sam, dont certaines auxquelles j'avais même commencé à croire : einsteinisme, darwinisme, voyage dans l'espace... avais-je été séduit par les représentants d'un paganisme arrivé à Williams Ford depuis les ruelles et caniveaux de Manhattan ? Avais-je, autrement dit, été leurré par la Philosophie ?
Le récit est effectué en quatre temps, narrant les grandes étapes de la vie de Julian, au cours desquels Adam ne cesse de se livrer à sa propre autobiographie et de regarder de loin les évènements historiques qui ébranleront la nation, même s'il reconnait l'influence bénéfique de Julian sur sa propre existence et carrière en tant qu'auteur, notamment par sa venue à New York.
Julian, Sam et Mme Comstock ont commencé à discuter des possibles ramifications de toute l'histoire tandis que Calyxa et moi allions sur le pont essayer d'oublier notre cafard en regardant défiler New York. Manhattan avec ses tours squelettiques et son affairement perpétuel était déjà passé derrière nous, mais chacune des rives gardait quelques signes du travail des Profanes de l'Ancien Temps : des ruines à perte de vue, rappel que des êtres humains avaient grouillé là en nombre inconcevable durant l'Efflorescence du Pétrole. Ce qu'ils avaient laissé derrière eux était au fond un monumental Dépotoir, si vaste que malgré un siècle de fouilles dans ces ruines seuls les gisements les plus accessibles de cuivre, d'acier ou d'antiquités avaient pu être récupérés.
Au final le bilan semble quelque peu mitigé, si la mise en place de cette société théocratique post effondrement est effectuée très efficacement, le narrateur avec sa tendance à s'épancher sur sa vie et son côté conservateur plombe quelque peu le récit. Par contre l'évolution de Julian du gamin philosophe au dirigeant éclairé mais absolutiste, forgé par les champs de bataille, est bien vue. Un roman à la fois plaisant et frustrant suivant les évènements décrits par le narrateur ou sa volonté de passer sous silence ce qui ne le touche pas. Le récit de ce point de vue est parfaitement maîtrisé mais pas totalement satisfaisant pour le lecteur.
Une lecture commune avec le Traqueur Stellaire et Lorhkan.
L'avis de Gromovar.