World War Z de Max Brooks
La morphine – ou quel que soit le truc qu’on m’avait
injecté, je trouvais ça délicieux. Je me fichais de tout. Je n’ai eu aucune
réaction quand ils m’ont dit que la police m’avait logé une balle dans
l’épaule. J’ai vu l’homme allongé dans le lit à côté du mien évacué en urgence
dès qu’il a cessé de respirer. Je n’ai même pas réagi quand je les ai entendus
parler de l’épidémie de « rage » qui sévissait en ville. Je ne sais
pas. Comme je vous l’ai dit, j’étais vraiment dans les vapes. Je me souviens
d’éclats de voix dans le couloir, de gens en colère qui se criaient dessus.
« Ce n’est pas la rage, la rage ne fait pas ça aux gens ! » Et
plus tard… quelqu’un d’autre… « Bon, et tu proposes quoi,
bordel ! On en a quinze comme ça, en bas ! » C’est bizarre,
j’entends toujours cette conversation dans ma tête. Tout ce que j’aurais dû
faire, penser, sentir. Il m’a fallu pas mal de temps pour dégriser. Et quand
j’ai fini par me réveiller, c’était un vrai cauchemar.
Des zombis apparaissent en Chine ! Les gens qu’ils ont tués se relèvent pour grossir leur rang après quelques minutes tandis que les vivants mordus ont un répit de quelques jours… Je préfère préciser, mes connaissances en zombies étant limitées aux films Shaun of the dead et 28 jours plus tard et la BD Cryozone.
Avec les moyens de transport moderne, les premiers réfugiés essaiment dans le monde comptant dans leur rang quelques zombies en devenir. Ajoutons à cela la manie chinoise du secret et les ingrédients sont réunis pour faire des zombies un problème mondial. La World War Z a commencée.
Le récit est un recueil de témoignage présenté chronologiquement et recensant les faits mondiaux les plus importants et présentant quelques situations personnelles notables du fait de leur caractère exceptionnel ou non.
Le ton ironique des protagonistes est assez agréable et les
exemples de nation s’en sortant le mieux est assez cynique, ainsi l’Afrique du Sud
post apartheid ressort des cartons les plans anti insurrections du régime
ségrégationniste quant aux solutions adoptées par les USA, Cuba ou la Corée du
Nord il faudra lire le livre pour le découvrir.
Quoi ? Vous
auriez préféré qu’on leur dise la vérité ? Que ça n’avait rien à voir avec
la rage, que c’était une sorte de supervirus qui réanimait les morts ?
Vous imaginez la panique ? Vous imaginez tous ces foutus sénateurs
faire dans leur froc et bloquer toute action gouvernementale un tant soit peu
efficace en votant un « Zombie Protection Act » exhaustif et
totalement inutile ? Vous imaginez la perte de crédibilité politique pour
le pouvoir en place ? En plus, on débutait une année électorale, et pas la
plus facile, hein, un vrai corps-à-corps. Nous, on « nettoyait », on
réparait toutes les conneries que le gouvernement précédent avait accumulées,
et croyez-moi, les huit années qui venaient de s’écouler en avaient brassé, de
la merde ! Si on avait réussi à revenir aux affaires, c’était grâce à
notre gentil pigeon qui n’avait pas arrêté de promettre un retour à « la
paix et à la prospérité ». C’était tout ce que demandait le peuple
américain. Jamais la population n’aurait accepté un autre programme. Les gens
vivaient une sale époque, et depuis pas mal de temps. Il aurait été suicidaire
de leur avouer que le pire était à venir.
Malgré l’ironie omniprésente, le récit ne bascule pas dans la caricature et ses hordes de millions de zombies sont angoissantes. Les morts se multiplient, les nations s’effondrent, le chaos se propage. L’alternance entre vue d’ensemble et témoignage de particulier est très efficace, le roman se lit tout seul rapidement. Dans l’ensemble le récit fait la part belle au point de vue américain, tout en effectuant un tour complet de la planète.
L’adrénaline m’a immédiatement remis sur pied et je me suis
retourné en un éclair. Le vieux était encore là, le visage bandé. Il ne s’était
pas réanimé depuis très longtemps. Il s’est approché de moi, j’ai feinté. Comme
j’avais encore les jambes tremblantes, il a réussi à m’attraper les cheveux. Je
me suis débattu pour me libérer. Il a approché son visage du mien. Il était
étonnamment musclé, pour son âge, au moins autant que moi, si ce n’est plus.
Mais il avait quand même les os fragiles, je les ai entendus craquer quand je
lui ai tordu le bras. Je l’ai frappé en pleine poitrine et il a volé en
arrière, la main pleine de cheveux. Les miens ! Il a percuté le mur, les
photos sont tombées et l’ont recouvert de verre brisé. Il est revenu vers moi
en grognant. Je me suis ramassé sur moi-même, je l’ai évité, j’ai saisi son
bras et je lui ai fait une clé tout en refermant mon autre main sur sa nuque.
Et là, avec un hurlement dont je ne me serais jamais cru capable, je me suis
précipité vers le balcon et je l’ai balancé dans le vide. Il s’est écrasé la
tête la première sur le trottoir. Là, il a continué à me regarder en sifflant
et en remuant malgré son corps brisé.
Les scènes individuelles donnent lieu à des beaux moments d’héroïsme ou de désespoir. Au fil du récit la situation change progressivement, les tournants étant annoncés par les changements de partie. L’ensemble est assez fin et très prenant. L’ampleur du phénomène relève du jamais vu et donne un ton crédible à cette histoire horrible et crépusculaire.
World War Z n’est pas le roman de l’année mais un
divertissement efficace et intelligemment mené, sans doute un incontournable
pour les fans du genre et une bonne introduction au genre pour les autres.
Dieu sait qu’ils n’étaient pas parfaits, mais ce sont eux qui incarnaient le rêve américain à mes yeux. Et puis la génération de mes parents est arrivée et ils ont tout bousillé. Les baby-boomers, la génération du « moi ». Et puis il y a nous, maintenant. Oui, OK, on a mis un terme à la menace zombie, mais qui l’a déclenchée, cette menace ? Bon, au moins, on nettoie notre propre bordel, et ça sera peut-être notre épitaphe.
« Génération Z. Ils ont fait le ménage derrière eux. »