Le goût de l’immortalité de Catherine Dufour
« D’innombrables générations de femmes ont, à travers
les siècles, laissé leurs yeux sur des ouvrages minutieux et mal payés. Ma mère
me paraissait atteindre une stature historique, celle de la femme veuve qui reprise
patiemment la survie de sa famille à la lueur d’une chandelle. La chandelle
était halogène mais ça ne changeait rien à cette détresse alimentaire, ni à son
inextinguible patience. L’humanité doit tout à ces parques obscures qui ont
nourri leurs enfants maille après maille, puis tiré leur suaire sur leurs yeux
usés sans une plainte tandis que le monde se chargeait de leur précieuse
progéniture, transformant leurs fils en chair à canon et leurs filles en chair
à soldats. Tant de résignation effraie, elle intimide aussi. Les Animaux ne
s’embarrassent pas de portées quand les circonstances ne s’y prêtent pas. Si
toutes les mères abandonnées avaient fait pareil, si elles avaient, sans
patience, jeté leurs rejetons dans la
marmite à soupe au lieu d’essayer de les élever, l’être humain ne serait plus
qu’un mauvais souvenir. »
Dans le futur, une vieille femme chinoise, quelque peu cynique, se lance dans une série d’aveux, narrant les évènements qui ont marqués son enfance, plus d’une centaine d’année plus tôt. Le livre est cette narration adressée tant à cet interlocuteur qu’au lecteur.
L’avenir dépeint par Catherine Dufour n’est pas gai, bien au
contraire, tout n’est plus que pollution et nature à l’agonie. L’humanité se
terre dans d’immenses cités constituées de bâtiments gigantesques. Les plus
riches vivent au somment les plus pauvres vers la base, les exclus dans les
sous sols ou dehors, ces derniers constituant la caste la plus nombreuse.
Dans cet univers terne une jeune fille chinoise, à l’enfance
tragique, croisera le chemin d’un biologiste de retour d’une enquête avortée en
Polynésie sur une soudaine réapparition du paludisme.
A travers le récit de leur vie et celui d’une poignée de
personnes proches, c’est tout un monde en décomposition qui est dépeint.
Fable cynique, techno thriller teinté de magie vaudou, anticipation pessimiste, le goût de l’immortalité ne laisse pas indifférent. Très original dans sa forme, captivant et glaçant. A lire d’urgence !