Ronde de Nuit - Terry Pratchett
Le monde est plat comme une pizza posée sur quatre éléphants se tenant sur le dos d'une tortue géante qui erre dans l'espace. Tel est le concept de base de l'univers de Terry Pratchett et qu'il décline sur une trentaine de romans plus ou moins indépendants les uns des autres.
Si les premiers volumes étaient des parodies pleines de clins d'oeil aux classiques de la fantasy, elles avaient généralement aussi une part égale de noirceur et de tendresse. Par la suite, Pratchett adopte des thèmes généraux (la presse, la mort, les religions...) qu'il explore en profondeur mêlant humour et réflexions sérieuses. Le ton délirant de la série est un régal en lui même.
La série étant vaste, je
conseille vivement de sélectionner les livres à lire
selon les thèmes abordés et l'intérêt
qu'on leur porte.
Ronde de Nuit est le dernier roman que
j'ai lu de Terry Pratchett, il y est à nouveau question du
Guet d'Ankh- Morpock. Le vieillissant duc Sam Vimaire, responsable du
Guet le plus déjanté d'une ville pourtant bien
particulière doit affronter l'un des pires psychopathe de la
ville alors que son premier enfant est en train de voir le jour. La
poursuite se termine sur les toits de l'université de magie et
voilà le représentant de l'ordre et le criminel projeté
plusieurs dizaines d'années dans le passé.
Sam Vimaire devra alors faire face à
une ville vivant en pleine obscurantisme où la justice est
décidée dans les salles de torture de la police secrète
d'un patricien paranoïaque.
Confronté à lui même
plus jeune et à la mort subite de son ex futur mentor, Vimaire
prendra en charge sa propre formation tandis que la révolution
gronde.
Sam connaît bien évidement les évènements à venir mais sa
présence et celle de son antagoniste dans cette époque provoque des changements
aux quels il devra s’adapter.
Face à ces modifications de l’Histoire, il tentera alors de
préserver ses (futurs) hommes de son mieux.
« Vimaire le laissa partir et reporta son attention sur
les hommes. Aucun d’eux n’avait jamais reçu la moindre formation. Ils avaient
appris, dans une grande ou le plus souvent faible mesure, les uns auprès des
autres. Et Vimaire savait où menait cette route. Sur cette route, les flics
délestaient les poivrots de leur petite monnaie, se répétaient entre eux que
les pots-de-vin n’étaient que de petis-à-côtés, et tout empirait.
Il était d’accord pour trouver des recrues dans la rue, mais il fallait d’abord les former. Il fallait quelqu’un comme Détritus pour leur brailler dessus durant six semaines, il fallait leur donner des cours sur le devoir, les droits des prisonniers et le « service public ». Et alors seulement on pouvait les confier aux terreurs de la rue qui leur apprenait tout le reste : comment frapper un suspect là où ça ne laisse pas de marques, et quand c’est une bonne idée de se glisser une assiette creuse en métal dans l’entrejambe du pantalon avant de se mêler à une bagarre de bistro.
Et si on avait de la chance et qu’ils étaient raisonnables, ils trouvaient, entre la perfection impossible et le caniveau, un juste milieu où se conduire en vrais flics – légèrement ternis mais pas pourris. »
Au final, on se retrouve face à un excellent roman proposant
un paradoxe temporel très bien géré et une narration au style décalé qui
allège les moments les plus noirs du roman.
Vimaire est souvent désespéré et perdu mais Pratchett ne l’abandonne
à aucun moment dans cette histoire plus sombre que les vingt sept précédentes.