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Les lectures d'Efelle
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14 novembre 2014

L'impasse-temps de Dominique Douay

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Au lendemain d'une rupture avec sa maîtresse, à l'initiative de cette dernière, Serge Grivat se voit doter d'un gadget lui permettant de figer le temps... Imcompréhension, effroi et fascination se succèdent rapidement...

Je commençais à m'habituer à cette situation hors du commun, voilà ce qui se passait. Tout était si conforme au quotidien que les hurlements d'épouvante ne formaient plus qu'un lamento à la périphérie de mon esprit. Conforme au quotidien... à l'exception du mouvement, bien sûr. Mais sur le moment, son absence m'a paru plutôt reposante.

Une fois le phénomène et sa cause appréhender, vient le temps d'exploiter cette capacité... A la vengeance mesquine, immature mais quelque peu potache envers son ancienne maîtresse, vient l'envie d'obtenir tout ce dont il s'est senti privé... Les premiers tabous tombent à mesure que croît la sensation de puissance et d'impunité.

Une frénésie de liberté, peut-être. Depuis l'enfance, j'avais vécu à coups d'ordres et d'interdits, tant et si bien que j'en étais arrivé à considérer qu'il était normal qu'il en fût ainsi, que la vie en société imposait des contraintes contre lesquelles on ne pouvait rien. Ces contraintes, je m'y étais si bien plié, et pendant si longtemps, que je les ai oubliées : elles étaient là, tout simplement elles jalonnaient mon existence et moi je suivais ce parcours étroitement surveillé sans me poser trop de questions...

Mais là, c'était différent. Plus de contraintes, une liberté pleine et entière. Personne pour réprimer, juger, sermonner.

Après quelques rapines, Grivat se heurte à des contingences logistiques comme comment justifier son butin et ce malgré un projet photographique réussi.

En réalité, ce que je découvrais chaque jour un peu plus, c'est que si tout (ou à peu près tout) m'était permis dans le temps figé, il m'était pratiquement impossible d'en tirer un quelconque bénéfice dans le monde en mouvement. Sauf à me contenter de voler, comme je l'avais fait jusqu'à présent. Et encore, je ne pouvais m'emparer que d'objets anonymes. Voler une voiture, par exemple, m'aurait conduit tout droit devant les tribunaux, même dans l'impossibilité devant laquelle se serait trouvée la police d'expliquer par quels moyens je me l'étais procurée.

Bref, je tournais en rond. Une amère frustration m'habitait en permanence.

Mais rapidement les derniers interdits tombent lui permettant provocations et crimes... Des actions qui ne le font pas vivre mieux dans le temps normal ni ne lui procure la reconnaissance dont il a soif...

Vient alors le temps de l'immoralité totale, Grivat devient un agent du chaos se fichant des conséquences de ces actes, n'agissant plus que sous le coup de ses impulsions, préférant se prélasser dans le temps suspendu plutôt que d'être anonyme dans le monde réel...

Reprise d'un roman des années quatre-vingts, L'impasse-temps est une réussite indéniable, Dominique Douay met parfaitement en exergue la fragilité du sens moral quand il est confronté à un pouvoir absolu et un sentiment d'impunité. Le naufrage moral inexorable est bien décrit, de même que les possiblités découlant de la situation initiale. A la fois jubilatoire et glaçant, L'impasse-temps ne peut laisser indifférent, un très bon moment.

 

 

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Commentaires
V
Ca a l'air fort intéressant, faudra que je me penche sur ce roman (mais déjà je vais lire sa nouvelle dans l'anthologie des Utos. Et puis la couverture a une couleur magnifique :D
P
Une super initiative des Indés de l'Imaginaire sans lesquels je n'aurais surement jamais lu ce roman. Une bien bonne découverte !
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