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Les lectures d'Efelle
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24 octobre 2014

Little Big Man de Thomas Berger

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En 1952, un passionné du Far West est mis sur la piste d'un survivant de l'époque héroïque, par une infirmière surprenante. Son enquête le mène à un vieillard déplumé, prétendant avoir cent onze ans : Jack Crabb. S'en suit un récit étalé sur plusieurs entretiens, narrant une vie hors du commun, ponctuée de coups du sort et offrant un point de vue inattendu sur les Cheyennes...

Et personne a jamais pensé à demander à Caroline comment elle savait ce que les Cheyennes voulaient, alors qu'elle ne parlait pas un mot de leur baragouin. Y a eu un moment où j'ai soupçonné Man d'avoir voulu se débarrasser de nous, parce que les soldats sont jamais venus ; mais ça c'était avant que j'apprenne, des années après, que Bill était allé à Laramie, que là il avait vendu le cheval et trouvé du travail chez les troqueurs, et qu'il n'avait jamais parlé de nous à l'Armée pas plus qu'il n'avait rejoint le convoi. Non, Man était pleine de bonnes intentions, mais ignorante. Mon vieux était un dingue et mon un traître. Et puis il y avait Caroline. C'était pas fameux comme famille, probable, mais je suis pas resté trop longtemps avec eux.

Suite à une énième lubie du patriarche, la famille Crabb tente d'émigrer vers l'Utah, l'aventure tourne court quand le père Crabb imbibe d'alcool les indiens venus lui extorquer du café... Massacre, viols, le délire éthylique des indiens est bref et sanglant. Caroline la soeur aînée de Jack, frustrée et complexée par son apparence masculine, s'imagine un conte et emmène Jack avec elle parmi les indiens, attachant ses pas à ceux de Peau de la Vieille Cabane, le chef de la petite tribu cheyenne. Quand elle comprend que les indiens la prenait pour un homme, Caroline déchante et plante son frère... Celui ci sera adopté par Peau de la Vieille Cabane et élevé en Cheyenne. Si Jack n'est pas trop ostracisé pour ses origines, il n'est toutefois jamais considéré totalement comme un indien. Une situation qui lui sauvera la vie lors d'un coup de main contre une tribu crow, son agresseur l'épargnant en le reconnaissant pour un blanc... Les années passent et vient le moment où les escarmouches entre blancs et indiens donnent lieu à un véritable affrontement contre la cavalerie US. Jack ne sens pas trop les vantardises cheyennes et hésite...

Il ne disait pas que j'étais blanc, mais il m'offrait une porte de sortie si j'en voulais une. Avec son arrogance habituelle, il jugeait que ceux qu'avaient le choix préféreraient être des Cheyennes avant tout ; mais avec sa délicatesse tout aussi habituelle, il voulait bien reconnaître ma race natale. Moi, j'y ai répondu :

- Grand-père, je crois que c'est un bon jour pour mourir.

Vous dites ça à un Indien, et il va pas se mettre tout de suite à vous consoler, à vous taper dans le dos ni à vous dire allez c'est pas grave, tu verras, ça va s'arranger au poil. Non. Parce que c'est pas des paroles en l'air comme ce serait chez les Blancs, ce que je venais de dire. C'est pas non plus du genre suicide, comme qui dirait qu'on en a assez de la vie et qu'autant en finir une bonne fois. Non plus. Ca veut dire tout simplement qu'on se battra jusqu'à usure totale. La vie, loin d'être amère, est bonne et douce et on luttera pour la conserver et en profiter jusqu'au bout, jusqu'à la mort.

A parler franchement, je sais pas trop si je parlais bien dans le sens indien, mais Vieille-Cabane l'a pris comme ça, et il m'a donné le chapeau Cronstadt.

Alors que l'affrontement tourne à la débandade, Jack réussit à se faire reconnaître comme blanc et est ramené en ville, où il est adopté par un prédicateur. Troublé par sa belle-mère, les différences entre discours et comportement, Jack finira par lever le camp et tenter de tracer sa propre route. Un cheminement violent qui le ramènera en deux occasions chez les Cheyennes, la première fois en quête de sa femme et de son fils enlevé dans une attaque de diligence, la seconde en se joignant au détachement de Custer porté par l'espoir de pouvoir prévenir les Cheyennes qu'un nouveau massacre se pointe à l'horizon de la rivière Little Big Horn...

Personne à Leavenworth, m'a jamais demandé de parler des Indiens chez qui j'avais vécu pendant cinq ans. Mais d'un autre côté, il était jamais venu à l'idée des Cheyennes de me poser des questions sur les habitudes des hommes blancs, pas même quand ils se faisaient exterminer par eux. Faut flanquer un homme par terre et lui tenir un couteau sur la gorge pour se faire écouter, comme je l'avais fait pour ce soldat. La vérité à l'air d'être haïsssable, pour tout le monde.

Un récit étalé sur vingt-quatre ans, picaresque et cruel, Jack Crabb semblant voué à traverser les évènements les plus marquants de son époque et croisé nombre de célébrités, mais surtout voué à construire sur du sable, perdant les siens du fait des indiens quand il vit en blanc et l'inverse quand il s'établit chez les indiens... Guerrier cheyenne, muletier, chercheur d'or, boufon, commerçant, joueur professionnel, escroc, chasseur de bison, les métiers de Jack seront nombreux et éphémères... Reflet de la frontière à une époque troublée. Loin de tout manichéisme, ce récit marquant renvoie indiens et américains dos à dos, dressant un tableau juste d'une situation complexe, notamment dans le portrait de Custer plus nuancé que celui donné par le film. Un livre qui se dévore et surtout un excellent moment.

Il m'a donné envie de le lire : Nébal.

 

 

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