Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Les lectures d'Efelle
Derniers commentaires
29 mars 2014

Les Bonnes Gens de Laird Hunt

img220

Jadis, j'ai vécu en un lieu peuplé de démons. J'en étais un aussi. Je suis vieille et j'étais jeune alors, mais en vérité, ce n'est pas si lointain, le temps a tout simplement pris la chaîne qu'il m'avait mise et lui a donné un tour. Je vis maintenant dans l'Indiana, si l'on peut dire que le temps que je passe dans cette maison, c'est vivre. Je pourrais tout aussi bien être dans les fers. Une chose se mouvant sur terre par embardées. Par un beau matin du monde, j'étais dans le Kentucky. Je me souviens de tout. Les citoyens de l'anneau des enfers, sur lequel j'ai déjà planté ma bannière, n'oublient pas.

Dans le Kentucky de 1850 à 1930... La vieille Scary Sue raconte. Comment elle épouse à quatorze ans Linus Lancaster, lointain cousin, futur éleveur de porcs, initialement venu convoler avec sa mère qu'il croyait veuve. Comment elle a vécu avec l'éleveur veuf, ses deux filles de dix et douze ans ainsi que les deux esclaves à son service. Et surtout l'enfer qui suivra, vivre avec un homme ayant de l'attirance pour une gamine de quatorze ans n'étant pas de bon augure.

Si je disais que dans mes premiers jours, il y avait une prairie où j'allais marcher avec les filles, Cleome et Zinnia, pour chercher des pâquerettes, et que nous y restions assises parfois le matin pour confectionner des colliers assez longs pour rejoindre Louisville, vous auriez raison de me regarder droit dans les yeux, mes yeux plein d'ombres, et de me dire que vous ne me croyez pas.

Perdu dans ses rêves de prospérité, Linus impose à son petit monde un régime tyrannique et abusif... S'inquiétant plus de son rêve de villa de planteur sudiste et de ses porcs que des êtres humains qui l'entourent. Broyant tout ce qui peut lui faire de l'ombre, y compris en matière de chant ou d'éducation.

Bien qu'excellant dans le non dit, Laird Hunt construit rapidement une ambiance lourde et poisseuse... La narratrice finissant par avouer sa propre part de ténèbres, via l'aveu d'actes mesquins et cruels... Le point de rupture sera atteint lors de l'exécution d'un esclave par Linus, un acte dément qui ouvrira la boite de Pandore : un moment où victimes et bourreaux échangeront leurs rôles un temps, lors d'un épisode halluciné, avant de se disperser pour des cheminements qui tiendront de l'ordalie.

La narration, véritable puzzle de réminiscences des deux principaux protagonistes de cette histoire, ne dévoile ses enjeux que tardivement, pour brosser un tableau sans fioritures de l'esclavage aux Etats Unis.  Une histoire glaciale dépourvue de tout manichéisme qui marque durablement par la virtuosité de sa construction.

Publicité
Commentaires
J
Ouch, il a l'air bien celui-là.
S
Il a atterri dans ma PAL lui !
N
Ce roman ne laisse personne indifférent... Il me fait de plus en plus envie !
Les lectures d'Efelle
Publicité
Visiteurs
Depuis la création 397 059
Publicité