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Les lectures d'Efelle
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2 août 2013

L'enquête de Lucius Valérius Priscus de Christian Goudineau

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Petite lecture suite à une visite au Mont Beuvray, au site archéologique de Bibracte et au musée attenant.

Alexandrie 2001, une famille d'antiquaire installé depuis des générations, le patriarche disparaît prématurément. Son fils déjà en charge des affaires depuis des années, découvre la face obscure de leurs activités que son père lui dissimulait dans un vieil entrepôt... Il est assassiné par les associés du vieillard et le contenu fabuleux déménagé. Quand la police finit par trouver le cadavre quelque jours plus tard, ils découvrent quelques pièces archéologiques mineures. Notamment un coffre contenant un rouleau en latin. Le document est pris en charge par un conservateur du musée d'Alexandrie... Par l'intermédiaire d'un ami, il trouve un financement pour la restauration et dégotte un vieil érudit excentrique francophile, affilié à la Sorbonne pour la traduction.

- Les volumina que tu m'as confiés concernent ces événements-là, en Gaule, en 21 après J-C. Ils contiennent la relation d'un certain Lucius Valérius Priscus que l'Empereur Tibère a envoyé enquêter (après coup) sur cette révolte.

- Il dit autre chose que Tacite ?

- Ta, ta, ta, tu ne le sauras pas, enfin pas immédiatement. Le type, ce Valérius, c'est un vieux militaire, enfin pas si vieux que ça, la quarantaine, avec des racines gauloises du côté de sa mère. Donc, on l'expédie en Gaule en lui réclamant un rapport dans les six mois : les causes de la révolte, les noms des responsables. Et il va se trouver pris dans toutes sortes d'embrouilles.

Commence alors la lecture de la traduction et une immersion dans la Rome sous Tibère... Lucius Valérius Priscus est sortie de sa modeste retraite par des envoyés de Séjan, le Préfet du Prétoire. Le redoutable animal politique, entre cajolerie et menace, lui confie alors l'enquête sur la récente révolte gauloise, notamment celle des Eduens, plus anciens alliés de Rome.

- Mon intuiton était juste : tu es l'homme de la situation. Tu vas partir dans les Gaules. Tu iras où tu voudras, tu renconteras tous ceux que tu jugeras utile. Dans six mois, tu me remettras un rapport circonstancié. Les raisons de ces... agitations, les noms des responsables et de leurs complices.

- Mais enfin, César Auguste dispose de toutes les sources de renseignement possibles, les gouvernements provinciaux, les commandements militaires, les...

- Tu apprécies la situation mieux que César Auguste ?

Son ton était redevenu glacial.

Doté d'une escorte, d'une cohorte de serviteur et surtout d'un esclave cultivé proche de Séjan, Valérius part pour les Gaules. Une première étape à Lugdunum, auprès du gouverneur, lui permet de compléter le tableau général entraperçu à Rome à travers l'étude de diverses tablettes. Les exigences exhorbitantes de Rome en matière d'impôt ont créées un mécontentement, exploité par deux nobles locaux... Révoltes initialement gérées avec tact par le gouverneur de Gaule Lyonnaise jusqu'à l'irruption brutale des légions de Germanie inférieure et supérieure. Rien de bien inquiétant finalement jusqu'à l'arrivée à Augustodunum, ville fondée par Auguste, remplaçant l'oppidum de Bibracte en tant que capitale des Eduens. Une ville encore en construction, dôtée de portes mais pas de remparts. Une cité aussi où une bonne partie de la noblesse a été passé au fil de l'épée...

Qu'allais-je leur dire ? J'avais en face de moi les représentants de la "noblesse" éduenne (ou plutôt de ce qu'il en restait après les récents combats), les descendants des plus grands aristocrates gaulois, que le dieu César avait comblés de bienfaits. Propriétaires de terroirs incommensurables, investissant des millions de sesterces dans le commerce des métaux, du vin, de l'huile. Ils me fixaient avec anxiété. J'étais Chevalier (comme l'attestait la bande pourpre sur ma toge), et surtout je portais la parole de César Auguste. Ils n'imaginaient pas la pauvre chose que j'étais par rapport à eux : si peu de biens, si peu d'ambition ! Je décidai de faire fort.

Sur place, tout en découvrant la place, Valérius prend conscience des liens privilégiés de Sacrovir, feu le chef des insurgés éduens, avec Germanicus puis Drusus, héritiers de Tibère. Du mécontentement autour non seulement des impôts mais surtout de la mort suspecte de Germanicus, de la veulerie des notables gaulois toujours en place, de leurs petites intrigues... Sans parler des cachotteries que lui fait un ex compagnon d'arme, en charge de la garnison maintenue sur place par la légion de Germanie supérieure. Un nid de vipère plein de faux semblants...

Le récit de Christian Goudineau est habile, tant pour la justification maline de la traduction moderne du document que dans la construction de son intrigue : résonance entre les amours de Valérius et la poésie de Catulle, le complot gaulois potentiel et les intrigues modernes des trafiquants d'arts égyptiens... Un roman érudit mais très accessible et prenant, au fort pouvoir d'évocation, un très bon moment...

 

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G
Je le note.
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