Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Les lectures d'Efelle
Derniers commentaires
20 mars 2013

I.G.H. de J.G. Ballard

img113

Plus tard, installé sur son balcon pour manger le chien, le Dr Robert Laing réfléchit aux évènements insolites qui s'étaient déroulés à l'intérieur de la gigantesque tour d'habitation au cours des trois derniers mois. Maintenant que les choses avaient repris leur cours normal, il constatait avec surprise l'absence d'un début manifeste, d'un seuil précis au-delà duquel leurs existences avaient pénétré dans une dimension nettement plus inquiétante. Avec ses quarante étages et ses mille appartements, ses piscines et son supermarché, sa banque et son école primaire - tout cela, en fait, livré à l'abandon en plein ciel -, la tour n'offrait que trop de possibilités de violences et d'affrontements.

Une tour de luxe, première d'un ensemble de cinq, fête l'occupation de son dernier logement libre.  La tour est vaste, revenu de leurs activités professionnelles, les habitants ont peu de raisons de traîner à l'extèrieur. D'autant plus que celui ci n'est composé que de béton. Mécaniquement la population, aisée à très aisée, s'est répartie selon une hiérarchie verticale...

La fête du  trente et unième étage avait pris fin lorsque Laing fut de retour chez lui. Debout sur son balcon, entouré maintenant de silence, il prenait plaisir à observer les splendides jeux de lumière sur la façade de la tour voisine, à quatre cent mètres de là. L'immeuble venait d'être achevé, et il se trouvait que les premiers habitants emménageaient ce même matin où le dernier appartement de son propre bâtiment était occupé. Un camion de déménagement manoeuvrait devant l'accès au monte-charge ; bientôt, tapis, baffles, coiffeuses et lampes de chevets gagneraient les pièces où ils s'assembleraient pour constituer un univers privé.

Dans cet environnement aseptisé, des tensions ont néanmoins lieux. Conflits entre adultes et gamins à la piscine, bousculade aux ascenseurs, actes mesquins pendant une panne de courant dans la galerie commerciale... La conscience de classe aidant, les tensions s'exacerbent et... tout part en roue libre.

Il redescendit jusqu'au treizième palier. Le bruissement des câbles d'ascenseur lui parvenait à travers les parois. Les passagers descendaient à leurs niveaux respectifs. Mais les portes d'accès au couloir ici, avaient été verrouillées. Il vit un visage grimacer dans sa direction ; une main aux ongles soignés l'invita poliment à disparaître.

Toutes les portes jusqu'au dixième étaient bouclées ou barricadées. Frustré dans son espérance, Wilder regagna la galerie commerciale. La foule se pressait toujours autour des ascenseurs. Apparemment, les gens s'étaient assemblés par niveaux, et chaque groupe réquisitionnait sa propre cabine.

Les actes d'incivilités deviennent des attaques violentes, les déprédations se multiplient... Plus l'environnement se dégrade plus les attitudes se radicalisent, tout s'accélère. 

La régression de ce pan de la société est illustrée à travers trois protagonistes, chacun issue d'un niveau différent de la tour. De Royal régnant sur le quarantième à Wilder l'arriviste du second. Trois visions, ambitions et appréhensions de la situation.

Avec I.G.H., Ballard propose ici un récit d'une rare efficacité. La situation pour délirante quelle paraisse finalement part de scènes crédibles, anecdotiques, quotidien des problèmes de voisinage accentué par la taille de l'environnement. En mettant en scène les classes sociales les plus aisées (les techniciens et producteurs TV font office de lumpenproletariat), l'ironie de cette descente infernale est plus frappante, l'arrogance accentuant l'agacement... Un roman captivant et fascinant qu'on a du mal à refermer une fois commencé. Une critique très efficace des environnements urbain et un excellent moment. Un classique.
 

Publicité
Commentaires
E
Elle l'est.
J
Cela fait trop longtemps que je souhaite lire cette trilogie. Je devrais sérieusement m'y mettre et puis plonger pour de bon dans l'oeuvre de Ballard. Cette intégrale de la trilogie de béton me semble fort sympathique.
B
Une histoire très prenante et inquiétante... A l'époque où je l'ai lu, j'emménageais à Paris dans un immeuble... Mon cousin architecte a toujours refusé de le lire...
G
Lu il y a très longtemps. J'avais vraiment aimé.
A
Oh, tu piques mon intérêt...
Les lectures d'Efelle
Publicité
Visiteurs
Depuis la création 397 058
Publicité