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Les lectures d'Efelle
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15 mars 2013

Crash ! de J.G. Ballard

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En circulant aux alentours de l'aéroport de Londres, le narrateur, Ballard, perd le contrôle de sa voiture et cause un accident mortel. Ses blessures et son immobilisation le pertube quelque peu mais moins qu'une étrange rencontre dans les couloirs de l'hopital. Vaughan, lui même ex accidenté, hante les lieux, s'imisce partout où l'on peut trouver les traces d'un accident. Intrigué, Ballard ira à sa rencontre...

Vaughan a déballé pour moi toutes ses obsessions concernant le mystérieux érotisme des blessures : la logique perverse des tableaux de bord baignés de sang, des ceintures de sécurité maculées d'excréments, des pare-soleil doublés de tissu cérébral. Chaque voiture accidentée déclenchait chez Vaughan un frisson d'excitation, par les géométries complexes d'une aile, les variations inattendues d'une calandre enfoncée, la saillie grotesque d'une console poussée vers le bas-ventre du conducteur comme en quelque fellation calculée de la machine. L'intimité d'un être humain dans son temps et son espace se trouvait pétrifiée pour l'éternité dans le réseau des poignards de chrome et du verre givré.

... avant de trouver en lui, du fait de son accident, de ses séquelles et cicatrices, un écho à l'obsession de Vaughan.

Pendant, plusieurs minutes, j'ai contemplé cette épave, reconstitué son identité. De terrifiants événements roulaient dans ma tête sur ces pneus dégonflés. Mais le plus surprenant, c'était l'étendue des dégâts. En se soulevant sous l'impact, le capot m'en avait caché une bonne partie. Les deux roues avant et le moteur, précipités vers l'habitacle, en avaient incurvé le plancher. Des traces de sang étaient encore visibles sur le capot, dessinant une dentelle noire qui venait se perdre dans les rainures du pare-brise. Les coussins et le volant également étaient éclaboussés de fines gouttelettes. J'ai repensé à l'homme mourant sur mon capot. Le sang ruisselant sur la tôle froisée était alors pour lui un liquide plus précieux que la semence qui refroidissait dans ses testicules.

Cette fascination lui permettra de rencontrer à la fourrière de l'aéroport, Helen, survivante de son accident et veuve de sa victime. De nouer une relation avec elle, des instants qui seront épiés par l'omniprésent Vaughan. Rapidement, Ballard, sa femme Catherine et Helen glisseront dans le cercle des intimes de l'obsédé des accidents. Un milieu où l'érotisme ne passe plus dans la perfection des corps et où l'auto est le seul décors envisageable, quelle soit brisée ou en mouvement.

Le lendemain matin, en route pour les studios de Shepperton, je me suis senti grisé par le mouvement tout autour de moi, libre enfin de jouir des voies de circulation et de leurs véhicules lancés en pleine vitesse. Sur l'élégante sculpture mouvante de l'autoroute, les carapaces bariolées de milliers d'automobiles bondissaient comme les faunes bienheureux de quelque Arcadie lointaine.

Eros et tanathos sur fond d'accident de la route, Crash ! surprend, fascine, dérange, interroge. Roman étrange où la technique envahit le vocabulaire concernant l'humain, comme le pointe dans sa préface Xavier Mauméjean, où ce qui est brisé prend une connotation sexuelle. Provoquant et captivant, Crash ! est un récit qui marque le lecteur durablement.

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Commentaires
J
Je l'ai lu et enfin chroniqué!
E
N'est ce pas ? :D
J
Grâce à, ou à cause de, toi, j'ai entamé ma lecture de ce livre. Et je suis plongé dedans, partagé entre la beauté du style de Ballard, le dégoût de certaines images et le magnétisme de l'érotisme pornographique et technologique de son oeuvre. J'en suis qu'au début mais c'est envoûtant et questionnant.
J
Intriguant, dérageant... voilà qui me pousse un peu vers ce livre. Quitte à ne pas apprécier, mais il questionne.
B
Je l'ai lu il y a trèèès longtemps et oui, tu as raison de dire qu'il marque durablement !
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