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11 janvier 2012

Les jours étranges de Nostradamus de Jean-Philippe Depotte

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Médecin lyonnais se réclamant des méthodes d'Ambroise Paré, protestant proche de Calvin, Philibert Sarrazin se fait piéger à Paris dans une affaire de dissection clandestine.

Un monde disparaît, un autre le remplace. D'habitude, ce genre d'idée amusait Philibert. Et souvent, il s'égarait dans sa philosophie de bricoleur : la vie, le monde, les petits mystères de la réalité. Comme on oublie vite, par exemple, le confort quotidien d'un foyer que l'on a quitté ! Et ce n'est pas seulement l'âme mais le corps entier qui oublie la chaleur d'un salon, le goût d'un bon repas, le contact de la peau d'une femme. C'est comme si on était un autre ou, plutôt, comme si, en changeant de monde, on se changeait aussi soi-même, ce que l'on est et ce que l'on a été. Voilà à quoi pensait Philibert, un sac de jute sur la tête, alors qu'il traversait Paris.

Amené devant un mystérieux gentilhomme, accompagné d'un janissaire des plus exotiques, Philibert est soumis à un chantage... Le tribunal ou accepté d'aller à Salon de Provence, pour approcher Michel de Nostredame dit Nostradamus dont l'influence grandit. Pourquoi lui ? Tout simplement pour leur amitié passé mais surtout parce leurs épouses respectives sont soeurs.

Comprenez-vous comme vous pourriez m'aider à rétablir un équilibre à la tête de notre royaume ? Dieu a voulu qu'un roi règne sur la France. Pas sa femme, ni sa clique de magiciens. Allez trouver ce Nostradamus, Sarrazin, et faites-lui cracher ses secrets. Est-il huguenot, hérétique, sorcier ou les trois à la fois ? D'où tire-t-il sa science ? Vous dites ne plus le connaître, attendez donc de l'avoir retrouvé avant de décider s'il vaut la peine que vous vous sacrifiiez pour lui.

Philibert tergiverse, tentant de résister au chantage... Il sera sauvé par l'accident de joute du roi Henri II. Envoyé sur place du fait de l'absence de médecin digne de ce nom, il soulagera le roi et retrouvera sa liberté. De retour à Lyon, il constatera rapidement que la conjuration contre Nostradamus est capable de l'atteindre aussi là-bas. Après avoir envoyé ses enfants à Genève auprès de Calvin, leur parrain, il se mettra en route vers Salon avec son épouse Louise.

Précédé par la peste, le couple entrera dans Salon pour soulager la population catholique locale, seule à ne pas avoir fuit. Pour se faire accepter, Philibert chantre de la foi protestante, se retrouvera à devoir jouer le catholique... L'occasion de remettre en perspective les postures des huguenots locaux croisés en route.

Prenez l'autorité, le dogmatisme, la logique froide et inhumaine. Et comme ce marionnettiste du champ de foire, faites-en une boule et collez-lui deux yeux. Vous obtiendrez d'Estissac. La vertu mal comprise, la Bible à la lettre, le rejet physique du papisme, à souffrir de la tête en passant devant l'église. Et cette voix aigre, trop aride et trop étroite, douloureuse à cracher, comme un calcul rénal. Comment peut-on à ce point être la caricature même de ce que l'on est ? C'est pour cela que le vicomte des huguenots était leur maître à tous et qu'ils l'avaient choisi.

A la fin de l'épidémie, Philibert sans avoir réussi à renouer à Nostredame, ce trouve pris du côté des catholiques dans la lutte de pouvoir opposant les notables. Pris dans la tourmente, il aura du mal à garder son objectif en tête d'autant plus que les évènements dégénèrent à un rythme effréné...

Vers la fin de la nuit, les cabans défilèrent dans les rues en sonnant du tambour et du clairon, la violence du bruit pour entretenir la terreur. Philibert n'avait pas deviné que Villermin serait capable de cela. Ou alors, ce devait être  quelque chose que tous les catholiques gardaient en eux. La certitude qu'un jour, l'hérésie de la Réforme se terminerait dans un bain de sang. L'aboutissement de la logique de leur bon droit. La superstition ne peut engendrer que la haine et l'irrationnalité. C'est pour cela que lui, il avait choisi d'être protestant.

Dans la tourmente des prémisses des guerres de religion, Nostradamus apparaît peu mais est néanmoins omniprésent dans les esprits et le roman. Philibert est troublé par la science douteuse de son ancien ami, Louise s'interroge sur la mort mystèrieuse de sa soeur, la population de Salon tant catholique que protestante fascinée par ses prédictions floues le vénère... Malmené par les évènements de plus en plus chaotique, Philibert oscillera entre fascination et haine et ce jusqu'à la confrontation finale.

Très maîtrisé, ce roman est agréable dès que l'on s'est fait à la bigoterie de l'époque.  Jean-Philippe Depotte jongle avec de multiples thématiques (avancée de la médecine, Réforme, chasse aux sorcières, luttes de pouvoirs) avant de clôturer très efficacement son intrigue principale, omniprésente dans le récit mais de manière discrète. Ce second roman de Depotte s'avère un très bon moment bien construit et prenant. Un auteur à suivre...

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Commentaires
E
Pour la mise en scène on peut parler de roman à la Christopher Priest.
I
Le thème et l'époque sont tous deux très alléchant donc si il est aussi bien mis en scène que tu le dis c'est très tentant. Je note, espérant qu'il passera bientôt en poche.
G
Une couverture atroce peut-être ?
G
C'est ce qu'on appelle dans notre jargon ésotérique d'éditeur "un très bon livre injustement passé inaperçu".
G
Oula, voila le genre de thèmes et d'ambiance qui m'intéressent. Je le note au fond de mon crane.
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