Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Les lectures d'Efelle
Derniers commentaires
25 novembre 2011

L'apocalypse des homards de Jean-Marc Agrati

img857

Après avoir dédicacé mon exemplaire de son recueil, lors des Dystopiales, Jean-Marc Agrati m'a indiqué que ce bouquin risquait de piquer un peu le cerveau...

857

Ce recueil alterne nouvelles et "shots", des textes sibyllins très courts, généralement moins d'une page...

Gros silence tout d'un coup.

- JE PARLE TROP FORT ?

- Oui.

- DEPUIS QUAND ?

- Depuis le début.

Je n'ai pas menti une seule seconde. Il gueule tout le temps, ce gamin.

- ET TOI, TU PARLES PAS TROP FORT ?

- Ah non. Moi, je pousse l'eau délicatement... Je suis une petite pagaie.

- MAIS PAPA... T'AS RIEN A VOIR AVEC UNE PETITE PAGAIE !

- Si... Et toi, t'installes un gros bordel devant ta bouche. Et ça se propage, tu frappes la mer comme un dingue... T'es une grosse hélice qui secoue le cosmos...

- UNE GROSSE HELICE ? ET JE SECOUE LE COSMOS ?

- Exactement.

Fin de la parenthèse éducative. Le petit paquet de neurones chauffait un maximum. Il avait de l'aliment pour longtemps. J'étais content, j'avais introduit des rudiments de mécanique des fluides. Le sens physique se bâtit très tôt. ll faut profiter de la moindre occasion.

Extrait de "Je gagne toujours à la fin"

 

La démarche apparaît assez vite pour ce qui est des nouvelles : un point de vue cynique sur la société de consommation dont les travers sont dénoncés à grands coups d'ironie ou d'humour noir. Les chutes sont souvent violentes, exutoire de personnage en proie à la frustration (Fin des mathématiques) ou à des situations à la fois kafkaïenne et burlesque (Ma discussion avec le chef de la révolution). Agrati cherche apparement à obtenir des réactions épidermiques du lecteur en alternant défouloir et provocation par des scènes de transgression marquantes (Le couloir de la momie), la recette fonctionne...

- Je veux voir les indiens, elle dit.

- Ah ?

- Près de Las Vegas, il y a des indiens.

Elle me montre la carte. C'est le désert Hopi.

Alors, on y va. On loue une Chrysler climatisée noire avec de grosses ailes rétro et on pénètre la zone où il n'y a plus rien. De la caillasse et du beau soleil, c'est sûr. Et un distributeur de coca rouge au bord de la route.

Extrait du shot "Carte Postale"

 

Pour ce qui est des shots, je suis plus dubitatif, certains sont assez frappants tel L'inverse du lapin  ou Carte Postale  d'autres laissent interrogateur comme Depuis que j'ai perdu mes couilles où l'effet recherché n'est pas évident (s'il y en a un).

 

Et je me suis rappelé que j'avais un problème à résoudre.

- Si t'es le jardinier, tu peux me le dire, alors : c'est l'herbe ou c'est toi qui est libre ?

- Je n'ai jamais su.

- Parce qu'il y a un panneau imbitable dans ton jardin.

 - Ah oui ! C'est un con de la mairie... On l'a eu.

Il a ouvert un de ses sacs et il m'a montré la tête. Elle était enveloppée dans un torchon. Le gars était devenu un morceau des ténèbres.

- Quand ils nous prennent pour des cons, on les décapite.

- C'est bien, j'ai dit.

L'organique reste, la connerie s'évapore. Les yeux sont clos. Un sacré objet, tout de même.

Extrait de "Ici, l'herbe poussera librement"

 

Quoi qu'il en soit pour ce qui est de la démarche cynique, le pari est réussi. Les scènes du quotidien sont bien détournées ou poussées jusqu'à l'absurde, notamment celles prenant place dans un supermarché avec Fin du sucre étanche et Je gagne toujours à la fin. Il en va de même avec l'absurdité des démarches de communication ou de marketing à outrance, le ton est juste et la fin généralement jubilatoire... Reste la vacuité de la vie des cadres mais ne connaissant pas ce monde, je ne peux me prononcer sur le côté objectif ou fantasmé de la démarche mais le ton ironique fonctionne bien.

Il fallait maintenant négocier le lieu. Du temps où ils se voyaient, les derniers rendez-vous se passaient déjà comme ça. Hector voulait voir Achille dans le 8e et Achille voulait voir Hector dans le 18e. Côté Monceau pour l'un et côté porte de Clignancourt pour l'autre. Et ce qui sépare ces deux lieux, c'est tout simplement un gouffre. La société, la race, la culture, le sexe, les finances, on pouvait tout mettre là-dedans. un dégradé implacable de tout ce qui existe.

Extrait de Balade sur les remparts

 

Au final, L'apocalypse des homards est un recueil frappant, parfois énigmatique, qui ne laissera personne indifférent, que ce soit sous forme d'adhésion ou de rejet. Une expérience intéressante et globalement un bon moment.

Publicité
Commentaires
N
Je n'aime pas qu'on me prenne à rebrousse-poil donc pas d'Agratiti_et_gros_minet. :p<br /> NicK.
E
En effet, les shots m'ont quelque peu laissés sur ma faim.
G
Ca sent pas l'enthousiasme franc et massif ;-)
Les lectures d'Efelle
Publicité
Visiteurs
Depuis la création 397 005
Publicité