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A Lisa Tuttle, dont les livres m'ont appris que les plus effrayants des fantômes sont ceux qu'on porte en soi. Ils étaient toujours là, ces fantômes : entre les pages des textes que je découvrais en cherchant la matière qui composerait ce recueil. Dans l'ombre de ces personnages suspendus entre névrose ordinaire et folie, et dont on ne sait jamais trop s'ils nous effraient ou nous font pitié tant leurs failles sont humaines. Ils nous tendent un miroir pas toujours agréable à contempler, dérangeant et fascinant à la fois. Le monde, par petites touches, bascule dans l'horreur ; ainsi naissent les fantômes, dans le sillage d'un rêve éveillé, d'un amour contrarié ou d'un souvenir perdu. Dans le désir, la frustration, la jalousie, le réveil de pulsions pas très avouables - mais si communes, en fin de compte. Rien n'est ici plus dangereux qu'une femme amoureuse ou une victime devenue bourreau.

Extrait de la préface de Mélanie Fazi

Recueil de nouvelles de fantastiques, sélectionnées et traduites par Mélanie Fazi, Ainsi naissent les fantômes se révèle une excellente introduction à l'oeuvre de Lisa Tuttle.

Rêves captifs présente les séquelles d'une victime d'enlèvement de manière implacable et surprenante. L'horreur est palpable et prend à la gorge, une réussite.

L'heure en plus démarre plus sobrement, une mère de famille n'arrive pas à trouver le temps de se consacrer à l'écriture quand une pièce mystérieuse lui apparait. Un lieu correspondant parfaitement à ses goûts où le temps s'écoule très lentement... Une fenêtre sur un autre monde lui permettant de satisfaire à ses ambitions mais le revers de la médaille sera aussi surprenant que cinglant. Un très bon moment.

C'est dans cette pièce, chaque jour, que je transforme ma vie en langage. Les murs sont tapissés de livres rédigés par d'autres, et mes écrits s'accumulent autour de moi sur le bureau : articles incomplets, lettres inachevées, squelette décharné d'un roman, autant de débuts sans fins. La machine à écrire bourdonne tandis que j'associe les mots pour en tester l'effet puis les empile en une tour instable de phrases, de paragraphes, de pages. L'atmosphère de la pièce est lourde, imprégnée de ces mots.

Le Remède relève plutôt de la science fiction, la panacée a été découverte, elle renforce les défenses immunitaires de manière parfaite mais attaque les capacités d'apprentissage des nouveaux nés... Parfait sur la forme mais le fond ne m'a pas totalement convaincu, un bon moment néanmoins car la plume est vraiment belle, de même que les liens entres les deux personnages principaux.

Ma pathologie est sans doute le texte qui va le plus loin dans l'horreur : maternité, alchimie et amour irraisonnée. Un cocktail impitoyable qui marque durablement, un excellent texte.

"Mezzo-Tinto" est à la fois un hommage et un texte classique très efficace sur le thème du mystérieux tableau.

La Fiancée du Dragon est la nouvelle la plus longue du recueil et présente un point vue masculin extérieur. Une jeune américaine et appelée à retourner chez sa tante en Angleterre où elle subodore avoir vécu un traumatisme lié à l'imagerie du dragon. C'est accompagnée du narrateur, premier et récent amant qui devra jouer le rôle de protecteur, qu'elle se rendra sur place pour élucider cette part obscure de son passé. Etrange et bien mené, un très bon moment.

Au final un excellent bon recueil, sans fausse note, qui réussit à surprendre et à glacer.

 

Ils l'ont lu : Lhisbei, Gromovar.