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Les lectures d'Efelle
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16 janvier 2011

Le châtiment des flèches de Fabien Clavel

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Dux Hungarorum. C'était son titre. il l'avait conquis à force de combats et de traités. il s'était montré fougueux, rusé, cruel, impitoyable même. A l'heure du crépuscule, il n'avait aucun regret, aucun remords. Chacune de ses actions avaient été guidée par l'intérêt du pays.
Un pays ? Le mot était excessif : une mosaïque de peuples, de langues, de tribus et de clans, oui. Un pays, pas encore.

La vie de Géza touche à son terme, ce souverain a régné d'une main de fer sur les clans magyars mais à l'heure de son trépas, il laisse le pouvoir à sa seconde épouse Sarolta et à leur fils Istvan, tout juste sorti de l'adolescence. Elevé dans la foi chrétienne, à des fins politiques par son père, Istvan est un croyant sincère et entend bien poursuivre l'évangélisation de son peuple... Très rapidement et malgré son jeune âge et son apparente douceur, il se saisira des rênes du pouvoir pour s'opposer à son cousin Koppany, prétendant légitime au trône et défenseur des anciennes croyances.

A présent les sabots foulaient les rives fangeuses de la Grande Plaine. Aucune flèche n'avait encore fendu l'air immobile. Le temps était doux, humide. Au lieu de lancer les chevaux au galop Koppany continua de les faire trotter lentement.
"On dirait que tu cherches à le provoquer...
- Si je dois affronter un homme, j'aime savoir ce qu'il a dans le ventre.
- Nous serons bientôt hors de portée.
- J'attends."

Ils avancèrent dans la plaine rase dans laquelle se dessinaient, au loin, des collines arrondies. A mesure qu'ils approchaient de la limite, la tension augmentait. Les yeux de Koppany semblaient presque fermés.
Une dizaine de pas, puis encore autant. Rien ne se passa.
"Nous sommes trop loin, annonça celui qui allait derrière.
- Un bon archer peut encore envoyer son trait à une telle distance.
- Ils n'aurait aucune chance de toucher au but...
- Moi, c'est maintenant que je tirerais", susurra Koppany.
Puis un petit bourdonnement s'éleva lentement dans le silence. Et Koppany sourit. C'était une chose étrange que de voir un masque s'animer. A mesure que le sifflement se précisait, son rictus s'élargissait. Ses lèvres se retroussèrent sur ses dents carnassières. En cet instant, sa face était celle d'un prédateur qui vient de repérer sa proie.
La flèche unique arrive sur eux. Vibrante, elle frôla la monture du duc de Somogy avant de se ficher profondément dans le sol.
Le cheval fit un écart en arrière et s'ébroua. La pointe avait tracé un sillon de feu rouge dans la robe de l'alezan.
"C'est une chance qu'ils aient manqué leur coup ! grinça Sur.
- Le tir était parfait", corrigea Koppany.
Il éclata d'un rire terrible. A présent, il savait quelle sorte d'adversaire il allait combattre. Alors, seulement, les quatre cavaliers partirent au galop.

Magyars blancs alliés aux lourds cavaliers germains d'un côté, magyars noirs de l'autre usant de la magie de la taltos Duna, fille de Koppany. L'affrontement s'annonce inévitable, sanglant et impitoyable. Tous les coups seront permis. Dans cette tourmente le sans tribu, Farkas, oscillera entre les deux camps selon ce que lui dictera le vol du grand Turul, le charognard fétiche des Magyars.

Farkas se leva, comme s'il était prêt à partir. Il toisa la princesse de toute sa hauteur.
"Ecoute-toi. Tu reprends les paroles d'un mort et celles d'un enfant. ta bouche prononce les mots mais ton coeur ne les ressent pas. Nous n'avons pas besoin des empereurs ni des rois ! Nous sommes les Magyars ! Nos cavaliers opéraient depuis le califat de Cordoue jusqu'à la péninsule danoise !
Mais l'or nous a affaiblis. Nous étouffons sous les bijoux, les soieries et la vaisselle précieuse ! Nous nous sommes amollis. Nous avons oublié le goût de la poussière et l'amertume de la sueur. Toi, tu t'en souviens encore. Tu connais la sensation d'une monture entre les cuisses, le rythme lancinant des chevauchées, l'ivresse de la conquête."

Dans ce roman Fabien Clavel s'empare des faits historiques, les romancent pour le besoin de la geste et surtout les agrémentent d'une fantasy légère assez agréable. L'épopée de ce jeune roi, fondateur de la Hongrie, sa lutte contre son cousin puis les bulgares ou les germains, est prenante et agréable. Mais c'est l'introduction de personnages secondaires troubles tel Farkas ou Duna qui donnent sa dimension épique à l'ensemble. Istvan le chrétien s'efface alors aux bénéfices des païens qui le servent ou s'opposent à lui et sont voués à tomber dans l'oubli. Une lecture très agréable et un très bon moment.

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