Croisière sans escale de Brian Aldiss
La chaleur qui régnait chez le vieillard était terrassante et Complain ruisselait de sueur. Le babil des femmes l'atteignait encore au travers de la porte. Alors, brutalement, il vit les Quartiers tels qu'ils étaient réellement : une caverne immense, une caverne débordant de l'écho, bourdonnant de parlotes incessantes : personne n'agissait vraiment ; il n'y avait que des voix. Des voix mourantes.
Roy Complain est un chasseur de la tribu des Greene, bénéficiant du fait de sa profession d'un statut privilégié. En tant que tel, il dispose d'une épouse et d'une cabine individuel et fait partie des seuls membres à se confronter régulièrement à la jungle qui occupe les parties du Vaisseau non occupées.
Il apparait ainsi rapidement que les membres de la tribu sont les occupants d'un vaisseau générationnel, ancien équipage ayant décliné et perdu au fil des générations toute connaissance technologique ainsi que la nature de leur environnement. Les religions ont disparues remplacées par un amalgame de concepts psychologiques dévoyés.
Tout bascule pour Roy quand sa femme est enlevée par des membres d'une autre tribu. Tant la sanction qui lui est infligée que la déchéance de son beau-père agonisant le déstabilise... Abordé par le prêtre Marraper, avide de pouvoir, qui a bien compris son trouble, il fuit la tribu avec quelques compagnons. Au mépris des lois de la tribu, Marraper a en effet mis la main sur un livre technique contenant un plan de leur environnement et compte bien l'exploiter à son bénéfice.
Suis moi bien, Roy. Se trouver à l'intérieur d'un vaisseau - et ne pas s'y trouver - sont deux faits profondément différents : tout tient dans cette phrase. La seule chose que tu connais (toi et nous tous), c'est ce que représente le premier terme : être à bord. Voilà qui explique pourquoi nous pensons que rien n'existe, hormis le vaisseau. Cependant, le vaisseau est loin d'être tout. Il existe des endroits immenses, innombrables, qui ne sont pas le vaisseau... Je le sais parce que j'ai vu des documents qui nous viennent des Géants. Ce sont des Géants qui ont construit le vaisseau. Et ils l'ont construit dans un but précis qui, pour le moment, nous échappe.
Leur équipée les confrontera aux déshérités survivant en petits groupes ainsi qu'à quelques mutants avant d'être confrontés à de plus grands mystères : des géants qui apparaissent et disparaissent, des rats intelligents, puis de la très puissante tribu de l'Avant quelque peu paranoïaque...
De révélation en désillusion, Roy à la mentalité assez basique va se magnifier tandis que les évènements autour de lui vont se précipiter et que les divers voiles le séparant de la vérité vont se lever.
Ecrit en 1958 ce roman n'a pas pris une ride et m'a bien plus captivé que la trilogie d'Helliconia. Le traitement est exemplaire, le récit bien mené et les révélations faites aux personnages sont écrasantes. La galerie de ces derniers est assez variée et haute en couleur, de même que leurs réactions aux évènements. A noter que le même thème a été exploité un peu plus tard par Robert Heinlein dans Les Orphelins du Ciel (Histoire du Futur IV), de manière plus académique et moins poignante mais tout aussi prenante. Personnellement j'ai préféré l'approche d'Aldiss moins prévisible, plus apocalyptique et moins pessimiste. Tout cela fait de Croisière sans escale un classique incontournable.
Il m'a donné envie de le lire : Naufragés Volontaires