Chien du Heaume de Justine Niogret
Elle était déjà un peu grasse, mais les nuits froides n'avaient pas eu le temps de lui donner goût aux nourritures trop riches, celles qui la larderaient de chair dès qu'elles en auraient l'occasion. Chien n'était pas jolie non plus, parce que son museau était aussi noir que celui des bêtes et aussi sale que l'endroit où elles s'en vont dormir. Quant à ses mains, impossible de dire ; pour l'instant, elles étaient profondément enfoncées dans la tripaille d'un grand cerf.
Chien du Heaume est une mercenaire au physique ingrat. Portant et maniant la hache de son père, elle est en quête du nom de ce dernier pour connaître son identité, être plus qu'un surnom cruel. Chemin faisant, elle sera confrontée à des situations à l'ironie mordante avant de s'attacher au très hospitalier Chevalier Bruec. Guerrier vieillissant qui se terre avec sa petite troupe dans son petit fief.
L'occasion de se lier à des hommes rudes mais amicaux et initier un jeune homme au métier des armes.
Le garçon sursauta, et vit que sa lame était toute dégoutante de sang. Chien, elle, n'avait pas même sorti sa hache.
- Ton manteau, lui dit-elle à nouveau. Ces paysans-là ne sont pas assez velus pour s'en vêtir durant l'hiver. Je te propose de revenir au castel par les forêts. Nous te trouverons bien un animal plus futé que ceux-là.
- Je... commença le jeune homme sans savoir comment finir.
- Tu étais parti pour verser ton premier sang, Iynge. Celui-ci en vaut bien un autre.
Ce roman de Justine Niogret n'est pas porté par une intrigue complexe, il s'agit plus d'une suite de circonstances et d'hivernages ayant Chien du Heaume et Bruec pour fil conducteur. L'ambiance générale est assez sombre, un petit peu de La Chair et le Sang de Verhoeven d'un côté, un peu de la fin d'une époque de l'autre.
Il ne fallut guère de temps pour remplir la cour du castel. Les gens de guerre avaient l'oreille faite pour entendre ces appels ; ils furent nombreux à venir, et le chevalier Sanglier eut son combat.
Le castel semblait trembler sous le poids des fourrures et des torques, des lames tordues par trop de mauvais coups et des chaussures boueuses. Ici, aucune armure polie couleur ciel d'orage, aucune faveur de dame accrochée à une lance. C'étaient le vin et la terre, la force du bois et l'odeur du cuir, la dernière célébration d'un peuple qui s'efface.
De la crasse et du sang mais aussi des passage poétiques et oniriques bien amenés et rendus. Ce récit d'une errance est plaisant et se démarque nettement des romans de fantasy actuels. Court, efficace, se lisant tout seul, un bon moment.