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Les lectures d'Efelle
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3 décembre 2009

Encre de Hal Duncan

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Au commencement sont les premiers mots, dans ce monde, du premier chapitre du Livre de Toutes les Heures… Mais comment une histoire pourrait-elle débuter au commencement de tous les commencements ? Comment comprendre une histoire qui serait la première de toutes les histoires ? Pour raconter une histoire, mieux vaut partir d’un point au hasard dans le temps et l’espace, dans le vélin et l’encre qui couvre le vélin.

Où comment résumer la démarche de Vélum en quelques phrases…

Encre poursuis Vélum mais avec une démarche moins chaotique. Le résultat de l’Apocalypse menée par Gabriel a conduit au chaos. Le Vélum, tous les mondes sont noyés dans la vague noire des bitmites. L’encre qui a échappée au contrôle de Métatron et d’où jaillit une multitude de Jack.

Jack, redoutable arlequin et Némésis des derniers Amortels qui se sont érigés en seigneurs de havres, médiévaux ou fascisants, isolés au sein du chaos.

On l’a vu sortir indemne des tempêtes de feu, cet esprit de tous les Blitz né de la destruction. On l’a vu à Tokyo, Hiroshima et Nagasaki. A l’époque, on l’apercevait partout où ça flambait, mon frère, Johann von Strann, Jack Flash comme l’appelaient les Anglais, le surhomme, l’avatar, l’enfant de la lune. C’est donc dans le feu qu’il s’est forgé, dans le sang et le feu.

 

Il voulait devenir un héros de l’espèce la plus ancienne, un dieu appelé dans un corps d’homme, mais Dieu l’a piégé dans Ses rêves. 

Mais au sein de ce chaos les anciens fuyards cherchent à se retrouver et tentent de sortir tous les mondes de ce marasme. Le Livre de Toutes les Heures a été détruit ou perdu, peu importe… Tout en cherchant à se réunir, ils tentent de reconstituer maladroitement le livre à partir de ses débris ou de le réécrire. Difficile toutefois d’ordonner le chaos…

Je me suis toujours dit que le Vélum était une sorte de page vierge sur laquelle on pouvait tout écrire. Mais qu’y écrivons-nous ? Des éternités de transactions, des pactes spirituels et des contrats sociaux, si nombreux qu’en certains endroits du Vélum, ces désirs griffonnés finissent par ressembler à un gros tas de ratures, comme l’empreinte démente des marques sur la poitrine de Jack ou les textes illisibles de Guy, fléchés, annotés, rayés et corrigés au point qu’ils en deviennent complètement indéchiffrable pour tout autre que lui. Les bitmites nous ont donné ce que nous voulions, certes mais comme nous ne savons pas toujours ce que nous voulons…

Encre, bien que construit de manière fragmentaire et alterne les univers, est strictement linéaire. La même histoire nous est contée en une multitude de temps et d’époques mais son cheminement reste le même. Les différentes versions n’étant que la démonstration d’archétypes, des allégories ou une légère variation du thème principal, il est ainsi beaucoup plus facile d’en déchiffrer la trame. 

Enormément de bruits et de fureur dans Encre qui tourne autour de multiples variation des horreurs de l’entre deux guerre et de la seconde guerre mondiale. Au fil des rencontres, des réunions et des interactions, les personnages principaux se réuniront. Ménageant au passage quelques surprises au lecteur de Vélum quand les masques tomberont et l’intrigue foncera vers sa résolution.

Il ne devrait pas exister mais il existe, ce truc impossible, ce livre volé dans un caveau et trimballé partout dans le Vélum. Fabriqué avec de la peau d’ange dans l’éternelle Kentigern, forgé à Paris en 1939, ouvert à Berlin en 1929… Perdu et volé, détruit, refait, réécrit, ce Livre a connu autant de péripéties que le monde lui-même, et il les renferme toutes dans son anneau de Möbius du temps et de l’espace, et toutes ces histoires contradictoires se sont amalgamées en un seul conte confus et c’est bien une sorte de vérité, certes, mais truffée d’inconsistances, de digressions, d’interpolations et d’interprétations erronées, de fictions racontées comme des faits, de faits racontés comme de la fiction. Il y a les vérités et les demi-vérités, et il y a les mensonges, les mensonges innocents, les mensonges maudits. Et il y a les histoires, qui sont tout cela à la fois.

 

Fox ouvre le livre et tourne une page, qui craque entre ses doigts. Il referme doucement le volume.

Il pourrait le balancer par terre. Ce serait une bonne chose, non ? Le réduire en poussière, en éternités mortes.

Plus accessible que Vélum, Encre n’en reste pas moins un numéro de virtuose alternant ses styles de narration. Théâtre, roman d’espionnage, film noir ou d’aventures, script de scénario, contes, réécritures de mythes ou de textes religieux… Plongée dans le Vélum ou feuilletage du Livre de Toutes les Heures, le voyage est vertigineux. Hal Duncan manient ses archétypes et ses allégories avec précision, contant une magnifique histoire, nous rendant accessible son érudition.  Le diptyque Vélum – Encre, bien qu’étant une lecture exigeante n’en constitue pas moins une belle réussite.

Je le relirai dans quelques années.

Et je prie pour que la Cryptolangue et le Livre existent vraiment, pour que les générations futures puissent y lire les patronymes de tous les innocents assassinés au nom d’idéaux déments, pour qu’elles puissent les pleurer. Que les crimes des généraux et des démagogues responsables de cet enfer marquent ces hommes au fer rouge, comme ce fut le cas du premier assassin. Que leurs forfaits infâmes soient gravés dans leur chair !

Je veux prier pour que quelqu’un paye.

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