Quatre chemins de pardon d’Ursula K. Le Guin
Quatre chemins de pardon, quatre nouvelles sur la révolution
d’Yeowe et Werel dans le cadre du cycle de l’Ekumen.
Werel est une planète où sévit un régime mêlant esclavage et
misogyne. Les femmes sont cloîtrées, les esclaves traités de mobiliers et les
esclaves de sexe féminin sont encore plus à plaindre. Yeowe sa colonie n’est qu’une
vaste exploitation tenue d’une main de fer. Ces textes narrent les luttes pour
la liberté des esclaves puis des femmes.
Mais je ne pense pas que nous puissions nous libérer toute
seules, ni ne libérer que nous seules. Il faut que les choses changent. Les
hommes se tiennent pour les patrons. Ils doivent cesser. S’il est une chose que
nous avons apprise durant toutes ces années, c’est qu’on ne change pas un
esprit à coups de fusil. Tuez le patron, vous deviendrez le patron. C’est la
façon de penser qu’il faut changer. L’esprit des esclaves et l’esprit des
patrons.
A l’exception de « Trahisons » ces textes sont violents et sombres on retrouve le désespoir des autochtones de « Le nom du monde est forêt ».
« Trahisons » le premier texte met en scène deux vieillards retirés du monde, anciens esclaves, vétérans de la révolution de Yeowe. Une enseignante et l’ancien chef de la révolution écarté pour corruption. Un texte puissant et amer.
« Jour de pardon » met en évidence de manière
efficace la place réservée aux femmes dans la société werelienne par l’intermédiaire
de Solly, diplomate de l’Ekumen. Un texte efficace mais finalement assez
convenu sans être désagréable.
« Un homme du peuple » et « Libération d’une
femme » constituent le plus gros morceau de ce recueil. Le premier nous
présente la société de Hain puis nous jette dans la société d’Yeowe post
révolutionnaire et embourbée dans les traditions misogynes. Tandis que le
second narre l’épopée de Rakam des cantonnements féminins des exploitations de
Werel à la société en mutation de Yeowe : sans doute le texte le plus dur
mais aussi le plus porteur d’espoir.
Durant les trente années de guerre, tout ce système d’instruction
et d’enseignement s’était effondré. Toute une génération avait grandi sans rien
apprendre que violence, méfiance, famine et maladie. La directrice de mon école
me dit : « Nos enfants sont illettrés, ignorants. Est-il donc
étonnant que les chefs des plantations aient pris la relève des patrons et des
corporations ? Qui les en aurait empêchés ? »
Ces hommes et ces femmes croyaient de toutes leurs forces
que seule l’éducation mènerait à la liberté. Ils étaient toujours en pleine guerre de Libération.
Un recueil puissant, dur, sans complaisance mais jamais excessif non plus, loin de tout manichéisme. On retrouve ici une bonne part de l’intensité « Des dépossédés ». Du très grand Le Guin.