La Paille dans l’Oeil de Dieu de Larry Niven et Jerry Pournelle
On dit que le Deuxième Empire de l’Homme règne sur deux
cents mondes et tout l’espace compris entre eux, soit plus de quinze millions
de parsecs cube…
Considérons plutôt la réalité. Imaginez
des myriades de minuscules bulles éparpillées dans un vaste océan noir. Nous
dominons certaines de ces bulles. Mais de l’océan, nous ne savons rien…
La guerre froide a pris fin… Les USA et l’URSS ont fusionnés, les étoiles ont été conquises et l’humanité s’est répandue dans l’espace. Des guerres ont divisées l’humanité et ravagées la Terre. Un nouvel empire s’est relevé des cendres avant de s’effondrer à son tour. Il y a une centaine d’années, le Deuxième Empire s’est dressé sur les décombres et depuis Sparta s’efforce d’unifier à nouveau les mondes humains isolés les uns des autres, par la diplomatie ou la force. La Marine Spatiale Impériale est le bras armé de l’Empereur et se charge de faire taire toutes velléités sécessionnistes. Voilà pour le décor.
Le Visage de Dieu le fixait à travers l’espace.
Le Sac à Charbon était une masse nébulaire de poussière et
de gaz, petite, à l’échelle sidérale, mais dense et assez proche du système
pour occulter un quart du ciel. La Terre et la capitale impériale, Sparta,
restaient à jamais invisibles de l’autre côté. Cette noirceur mouvante cachait
la majeure partie de l’Empire, mais offrait un écrin de velours soyeux à deux
étoiles voisines.
Même sans cet arrière-plan sombre, l’œil de Murcheson aurait
été l’astre le plus lumineux de la voûte céleste – une énorme géante rouge,
distante de trente-cinq années lumière. Le petit flocon sur le bord de cette
étoile était un soleil nain, de couleur jaune, plus petit, plus effacé, moins
intéressant : la Paille. D’ici, Le Sac à Charbon avait la forme d’un homme
encagoulé : sa tête et ses épaules. Et la super-géante rouge, légèrement
excentrée devenait un œil, attentif et malveillant.
Le Visage de Dieu. Cette vue du Sac à Charbon, à partir de
Néo-Cal, était un site connu dans tout l’Empire. Mais debout, ici, dans le
froid de l’espace, c’était différent. En photographie, ça ressemblait au Sac à
Charbon. Ici, c’était réel.
Et quelque chose que Blaine ne réussissait pas à distinguer
fondait sur lui, venu de la Paille dans l’Oeil de Dieu.
Blaine est un cadet de la haute aristocratie, officier dans la Marine. Lors d’une
intervention contre un mouvement rebelle, une initiative de sa part lui a
permis d’éviter un bain de sang et de mettre un terme à
la révolte. Cette initiative, lui vaut le privilège douteux de ramener le navire à la capitale
avec à son bord un invité, officieusement prisonnier, richissime et soupçonné
d’être à l’origine du mouvement sécessionniste local. A la première escale au chef lieu du secteur, le navire
reçoit une nouvelle affectation. Un vaisseau inconnu venant du système de la
Paille entre dans la zone d’influence humaine.
La première forme d’intelligence extra-terrestre rencontrée
par l’humanité…
La rencontre de Blaine avec ce vaisseau n’est pas très
concluante et il est décidé d’envoyer une délégation rencontrer les
« Pailleux » chez eux. L’expédition est placée sous le commandement
de l’amiral Kutuzov et son cuirassé, Le Lénine, célèbre pour avoir vitrifié une
planète. Il est chargé de la sécurité de l’expédition tandis que Blaine est responsable
du contact avec les extra-terrestres.
Le Mac Arthur, le croiseur de Blaine, sera bondé de
scientifiques en plus de son équipage standard et de son invité factieux pris
en charge lors de sa mission précédente.
« Commandant, je ne saisis pas votre problème. Pourquoi
n’auraient-ils pas pu lancer une expédition scientifique en quarante
minutes ? Pourquoi un vaisseau de guerre ? Après tout, le Mac-Arthur
assure les deux fonctions. Il vous a fallu un temps considérable pour
appareiller. Moi, j’étais prêt depuis des jours. »
Rod coupa la communication. Je vais lui tordre le cou.
J’écoperai de la cour martiale, mais je plaiderai la légitime défense. Je ferai
témoigner tous ceux qui le connaissent. Je parie qu’on m’acquittera.
Une fois dans le système de la Paille, les humains entrent en
contact avec les autochtones d’un abord plutôt amical. Les scientifiques
semblent voir tout cela d’un bon œil tandis que Kutuzov et Blaine sont plus
réservés. Les scientifiques sont ils trop candides, les militaires sont ils
trop paranoïaques ? Chacun rejette le problème sur l’autre…
- Ils ont un amiral dans leur vaisseau, affirma Kutuzov.
Tout comme nous. Je le savais. Que leur dites-vous quand ils posent des
questions à mon sujet ?
Rod entendit un borborygme derrière lui et en déduisit que
Renner s’étranglait. « Le moins possible, amiral. Juste que nous sommes
sous les ordres du Lénine. Je ne pense pas qu’ils connaissent votre nom, ni
même qu’ils sachent si nous dépendons d’une chaîne de décision chapeautée par
une assemblée ou un seul homme.
- Parfait. »
Kutuzov souriait presque. « C’est à peu près autant que ce que vous savez
de leur propre hiérarchie, da ? Soyez-en sûr, il y a un amiral à bord de
ce vaisseau, et il veut que vous vous approchiez de sa planète. Voici mon dilemme :
est-ce que j’en apprends davantage en vous laissant y aller que lui en vous y
attirant ? »
Horvath se détourna de l’écran en adressant une prière
muette au Ciel, à ses Saints et à ses Mystères : comment traiter avec un
homme pareil ?
Les deux tiers du récit laissent la part belle au point de vue
humain afin de ménager le suspens. Par la suite la poignée de protagonistes
humains alternera avec quelques Pailleux, ces derniers semblant aussi
confrontés à quelques problèmes internes.
Un récit résolument non manichéen où les solutions extrêmes sont examinées froidement d’un côté comme de l’autre tandis qu’une minorité tente d’obtenir un impossible consensus. Le problème étant que chacun n’est enclin qu’à voir les défauts de l’autre. C’est à juste titre que le livre s’ouvre sur une citation des évangiles : « D’où vient que tu vois la paille qui est dans l’œil de ton frère tandis que tu ne remarques pas la poutre qui est dans le tien ? ».
Les deux auteurs en alternant les points de vue de
personnages antagonistes jouent avec le lecteur, difficile de donner raison à une
faction ou en général aux humains ou aux pailleux.
Du Space Opera avec un vernis de science, un texte qui n’a
pas pris une ride, un excellent moment et beaucoup de surprises. A lire absolument !