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Les lectures d'Efelle
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5 avril 2008

Les murailles de Jéricho d’Edward Whittemore

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Stern est mort et avec lui son idéal d’un Moyen Orient en paix… Les murailles de Jéricho couvrent la création d’Israël au conflit libanais des années 80. Les joyeux délires du Codex du Sinaï et de Jérusalem au Poker sont terminés, place à l’amertume dans la droite ligne d’Ombres sur le Nil.

Quoi qu’il en soit Whittemore porte encore en lui un rêve, un espoir fou. Et de la même manière qu’un juif, un musulman et un chrétien se sont retrouvés autour d’une table dans Jérusalem au Poker, trois sages vieillards chacun représentant une confession seront les témoins des évènements qui déchireront la région depuis un jardin de Jéricho. 

Le lien avec Ombres sur le Nil est assez ténu, Anna avec l’aide de Bletchley, devenu Bell, fuit l’Egypte pour
la Palestine. C’est là bas qu’elle fera la connaissance de Tajar, un ancien agent de Bletchley et accessoirement le premier directeur du Mossad.

Au cours de la naissance de l’état d’Israël, elle rencontrera et épousera Yossi. Un soldat juif élevé en Irak.
Las, Yossi, créature du désert sans cesse en mouvement ne peut se contenter d’une vie simple.
Il divorcera d’Anna avec qui il a eu un fils : Assaf. Sous l’impulsion de Tajar, Yossi se formera aux métiers de l’espionnage et sera déclaré mort au cours du conflit du Sinaï en 1956.
Il commencera alors une nouvelle vie en Argentine sous l’identité d’Halim, un jeune membre de la diaspora syrienne. Quelques années plus tard, il ira en Syrie pour y devenir un des atouts les plus précieux du Mossad : le Coureur.

 

Espionnage donc mais aussi douleurs des conflits car même les armées victorieuses ont des morts. Assaf, blessé et traumatisé au cours de la guerre des Six Jours trouvera la paix au contact de Youssef, un jeune enseignant arabe de Jéricho qui a perdu son frère cadet, membre d’une obscure cellule de l’OLP. 

Deux décennies à peine après l’Holocauste, songeait Tajar, et une nation de deux millions de Juifs, vainc des nations totalisant quatre-vingt millions d’ennemis, et le monde entier applaudit comme si l’Histoire venait soudain d’effacer le mal de l’Holocauste, soulageant un peu la conscience de tous, et nous-mêmes, nous applaudissons ce que nous sommes devenus, le nouveau Juif en nous, fier, jeune et fort, dont la devise est : Plus jamais ça.
Eh bien, ma foi, je dois être d’un autre temps et d’un autre lieu, car il y a quelque chose au fond de moi qui n’aime rien de tout cela. Les Arabes voulaient la guerre et nous n’avions pas le choix, mais le résultat me fait peur. Nous avons perdu notre équilibre et notre sens des proportions. La guerre n’est pas notre fort en tant que peuple, et nos héros ne devraient pas être des généraux. Ces dieux-là sont pour les autres, pour les étrangers. Et les Arabes ne sont pas davantage des nazis, pas plus qu’Israël n’est en Europe, et personne ne devrait prétendre que nous réglons les comptes de l’Histoire. Israël est ici, et nous ne faisons ni partie de l’Europe, ni de l’Occident. Nous faisons partie des nombreux peuples de l’antique Moyen-Orient, nous sommes un peuple revenu au bercail après une longue errance, et nos voisins sont arabes et l’ont toujours été. Certes, ils ne sont pas obligés de nous accepter, mais, si nous voulons vivre ici, nous devons les accepter. Comment peut-on imaginer que nous pouvons refaire le monde en six jours et nous reposer pendant le septième ? Cela me terrifie. Une telle présomption ne peut qu’engendrer l’arrogance, l’hubris des Grecs anciens, l’insupportable fierté d’où découle toute tragédie humaine…
 

Tous ces personnages et quelques autres vont traverser les évènements fondateurs du conflit au Moyen-Orient. Halim, idéaliste israélien, endossera donc le rôle pendant plusieurs décennies d’un idéaliste arabe, incorruptible se tenant éloigner des intrigues politiques. Son influence grandissante, deviendra une légende qui le conduira avant la guerre dans un jardin de Jéricho. Un court temps de paix avant que la région ne bascule définitivement dans l’horreur et la folie au début des années soixante-dix. 

Des idéalistes japonais massacrant des pèlerins portoricains en Israël ? Pour venger les torts subis par des Arabes de Palestine du fait des Arabes de Jordanie ? Dans l’espoir de devenir des étoiles dans le ciel ?
Un acte dément, grotesque, avec un masque de dignité humaine plaqué sur le visage de la folie. Même en tenant compte du triste penchant qu’a l’homme à se bercer d’illusions, sans parler de l’habileté du KGB en matière de manipulation, le rôle de la noirceur et de la démence dans les affaires humaines semblait parfois tout-puissant à Tajar.

 

Tandis que certains trouveront la paix dans cette région, Halim se trouvera de plus en plus démuni quand Israël interviendra à son tour dans l’horreur libanaise. Délaissé par son camp et devenu un agent syrien de premier plan, il constatera avec désarroi la déliquescence de ce pays. 

Quant au Coureur, il s’efforçait tout simplement de survivre au fond de lui-même, étonné de par la distance qui le séparait désormais de son moi d’antan. Il se rappelait Yossi comme il se serait rappelé un ami d’enfance. Il connaissait la vie de cet homme dans ses moindres détails, mais c’était comme un souvenir issu d’un autre monde. Les espoirs de Yossi, les craintes de Yossi… ce n’étaient plus les siens. Halim savait ce qu’était un déguisement, et le visage émacié qu’il découvrait dans son miroir, avec ses cheveux blancs et ses yeux enfoncés, dans leurs orbites, ne signifiait pas grand-chose pour lui. C’étaient les changements intérieurs qui le laissaient abasourdi à mesure que Yossi s’estompait dans le passé.
Pour survivre, semblait-il au Coureur, on n’avait besoin de faire que des petits pas. Mais les changements dont il était le témoin avaient un caractère définitif proprement attristant.

Les murailles de Jéricho (personnellement j’aurai préféré la traduction littérale de Jerico Mosaic plus en rapport avec le texte) est un roman d’espionnage et un passage en revue d’une page d'histoire. C’est aussi beaucoup plus. Tous les personnages sont profondément humains à la recherche de la paix tant politique qu’intérieure. Certains la trouveront, d’autres feront face à une tragédie. Quoi qu’il en soit on regrette que le rêve de Stern ne ce soit jamais concrétisé ailleurs que dans un jardin de Jéricho…

Un excellent roman et une très belle conclusion au Quatuor de Jérusalem.

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