Les baladins de la Planète Géante de Jack Vance
Certaines décisions s’imposaient. Par sa venue, il avait
prouvé à Ashgale la futilité de ses minables tromperies ; mais devait-il
continuer, tenter de gagner l’invitation à Mornune ? Réussir serait
agréable, mais l’échec amer… bien qu’il n’éprouve aucune envie d’effectuer le
long voyage vers l’amont jusqu’au lac Insondable.
Il prit sa décision. Il allait participer au concours, mais
de façon détachée, sans trop y croire. Son principal rival étant Garth Ashgale,
bien entendu, deux méthodes pour l’emporter s’offraient : proposer un
divertissement d’une supériorité manifeste, au prix d’efforts acharnés, ou avec
une égale diligence, s’assurer de l’infériorité du spectacle de l’autre. Il
fallait explorer les deux options sous tous les angles.
Retour sur la Planète Géante sur les conseils de Jmlo ici même. Il n’est plus question de tentative d’acquisition d’arsenal technologique comme dans le roman précédent mais simplement d’une lutte entre entrepreneurs de théâtre flottant itinérant et d’un périple en terres inconnues pour participer à un prestigieux concours.
Lutte entre deux compagnies, coups tordus en tout genre, subtils ou non. Rencontre de peuples variés aux coutumes variées. Un Vance des plus classiques mais qui est assez jubilatoire du fait du personnage d’Appolon Zamp, entrepreneur astucieux et sans scrupules, capable de vengeance mesquine. Une version artistique de Cugel en moins libidineux et implacable, plus sage et mesuré.
La recette de Jack Vance fonctionne assez bien encore une
fois : le thème du voyage, de l’exotisme et de l’humour. Les situations
sont variées, les rebondissements nombreux : on s'amuse à suivre cette compagnie hétéroclite.
Un bon moment sans atteindre toutefois ses meilleurs romans
(tel Emphyrio, le cycle de Lyonesse ou les deux derniers tome de La Geste des
Princes Démons), dont il serait dommage de se passer.
« Au fond d’un cachot, voilà où nous finirons. Non,
Zamp, comme d’habitude, vous courez après une chimère. Notre meilleur espoir d’éviter
un péage exorbitant réside dans la politesse, la coopération, l’amabilité. Si
cela se révèle insuffisant, il n’y aura pas le choix : nous devrons retourner
à Coble. Haskel ! Installez les banquettes ! Ornez-les de banderoles
décoratives !
- Peut-être avez-vous raison, dit Zamp, mais je désire vous
montrer une note importante dans le Guide du Fleuve. »
Il conduisit Gassoon jusqu’à la porte de son bureau, s’effaça
poliment pour le laisser passer, puis
ferma le battant sur le rugissement incrédule du maître du navire. Il bloqua la
porte au moyen de deux perches étayées contre une cloison voisine, ces perches
ayant été mesurées, taillées et préparées le matin même pour cet usage précis.