Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Les lectures d'Efelle
Derniers commentaires
25 mars 2007

Bloodsilver de Wayne Barrow

2207256340

Issue des quatre coins de l’Eurasie, d’étranges créatures débarquent en Amérique du Nord. Nommés stryges ou broucolas qui devient Brookes.
Nous sommes en 1691, Wayne Barrow nous conte la naissance de l’état américain dans un monde où une autre race intelligente et humanoïde existe. De ces vampires l’on sera peu de choses sur leurs origines, le sujet du roman est la fondation des Etats-Unis d’Amérique avec cette étrange communauté en son sein.
Race surhumaine craignant seulement l’argent et de plus marginalement le soleil, les Brookes tracent un sillon sanglant dans les premières années de l’histoire de l’Amérique. Organisés en convoi, ils thésaurisent le métal qui constitue leur seule faiblesse.
Dans ce roman Wayne Barrow réécrit l’histoire de 1691 à 1915 en s’appropriant quelques faits et personnages historiques : le procès des sorcières de Salem, Doc Holliday, les Dalton, Billy the Kid, Lincoln, Roosevelt, la veuve Winchester, Mark Twain…

Une Amérique changée mais pas différente concernant le comportement des colons vis-à-vis des amérindiens ou des populations africaines ou asiatiques.

 
« Néanmoins, il y avait dans ce terrifiant sourire comme l’amorce d’un regret quand il demanda :
- J’ai évidement l’apparence d’un monstre à vos yeux, n’est ce pas ?
La question me prit de court. Toutefois, je n’osai mentir. Je me contentai d’une réponse évasive :
- Chacun de nous a sa part d’ombre…
-Quoi de plus vrai en ce monde, monsieur Twain ? Comme je suis heureux que vous me compreniez si bien. Nous avons un proverbe, qui remonte à la nuit des temps, qui dit ceci : « Chacun de nous est une lune, avec une face cachée que personne ne voit. » J’aime croire que la Famille est comme la face cachée des hommes, monsieur Twain.

Tandis qu’il parlait, j’observais, fasciné, les mille rougeoiements dans le fond de ses yeux, qui demeuraient fixes. Je compris alors qu’il ne voyait pas – du moins, pas comme nous y sommes habitués. Le Staroste était aveugle. Mais ses autres sens, y compris ceux qu’aucun humain ne possédait, compensaient largement sa cécité.

- Vous prétendez que nous partageons une nature commune ? m’enquis-je.

- Cela a l’air de vous heurter. Pourquoi ? Réfléchissez-y, monsieur Twain. Je vous sais favorable aux thèses émancipatrices et abolitionnistes. Vous reconnaissez en tout homme, quelle que soit la couleur de sa peau ou la forme de ses traits, un semblable. Pourtant, quel rapport entre vos coutumes et celle d’un habitant du cœur de l’Afrique ? Un Chinois ou un Japonais ? Un observateur impartial pourrait conclure que vous n’appartenez pas à la même forme de vie, tant vos comportements ordinaires diffèrent. Pourquoi en serait-il autrement avec les membres de
ma Famille ?

- Mais parce que vous vous comportez de manière odieuse avec nous, voilà pourquoi !

A cet instant, toutefois, j’avais compris que le Staroste m’avait piégé et conduit là où il le souhaitait.

- Et comment vous comportez-vous avec vos frères rouges du Nouveau Monde, monsieur Twain ? » 

Ainsi les récits mettant en scène les vampires Brooke sont alternés par quelques textes sur la conquête de l’Ouest et les relations avec les populations natives. Que ce soit par la bouche de Billy the Kid, psychopathe éminemment raciste ou celui d’un vétéran du 7e de cavalerie hantée par la revanche prise sur Little Big Horn, des évènements sanglants sont retracés sans que les Brookes y ai une place autre qu’anecdotique. 

« Dwight avait vu les simples foulards ou les écharpes brodées qui protégeaient leur face. Il s’était vu reflété sur les verres sombres, une vingtaine de soldats aux visages identiques, portant une vieille tunique au bleu passé, regroupés au centre de Wounded Knee.
- Approchez ! avait hurlé Dwight en tirant son sabre.
Les cavaliers sombres étaient demeurés sans réaction.
- Venez vous battre comme des soldats, comme des indiens !
Pas un ne bougeait. Toute l’horreur du massacre lui était remontée alors à la gorge. Dwight  s’était affaissé sur sa selle et avait dit en pleurant : - Je vous prie, ayez pitié, achevez-moi…
L’un des cavaliers s’était penché et avait ôté son foulard. Dwight avait cru entrevoir ses dents, mais le Brooke s’était contenté de le renifler.
-Tu es marqué, humain, bien plus que ne le sont les gens de mon peuple. Va, et dis aux tiens ce que tu sais de  la Famille mais personne n’écoutera Caïn. »

Les années passeront et le temps des Pistolero, chasseurs de Brooke, connaîtra son terme.
Ce peuple qui au final aura massacré moins que les colons humains atteindra son objectif pour se terminer sur un retour ironique en Europe. 

« Les gars comme toi, et même des femmes, depuis quelque temps, tous veulent savoir pourquoi on finit par abdiquer. Toi qui es un lettré, tu vas pouvoir comprendre. Dans ta bibliothèque, tu as peut être ce livre où on trouve des moulins et un vieux chevalier…
- Don Quichotte de la Manche, réplique aussitôt Sam, par réflexe.
- J’étais comme lui, mais je l’ai compris sur le tard, quand je me suis retrouvé le seul survivant de la Horde. »


Une histoire de l’Amérique sans guerre civile autre que la lutte contre les Brooke, le génocide des indiens : la naissance d’une nation… Une réécriture agréable et efficace, un bon roman où l’on ne s’ennuie jamais et ce malgré un postulat de départ pour le moins déroutant.

Publicité
Commentaires
E
Un excellent moment que j'ai passé là. La place relative faite au Brookes dans ces récits renforce sans doute le mystère qui les entoure.
Les lectures d'Efelle
Publicité
Visiteurs
Depuis la création 397 005
Publicité