Chroniques des années noires de Kim Stanley Robinson
« The Years of Rice and Salt » traduit maladroitement par « Chroniques des années noires » est une uchronie débutant par l'anéantissement des populations européennes par la peste. Kim Stanley Robinson, auteur de la trilogie martienne (Mars la rouge, Mars la verte, Mars la bleue) pratique ici un style plus léger et agréable.
A travers les siècles, il présentera un monde sans civilisations européennes à travers trois âmes soeurs, protagonistes des histoires contées à diverses époques clés. Tantôt masculins ou féminins, ces trois personnages seront au coeur des évènements avec quelques transitions dans le bardo, lieu oriental de jugement des âmes, essayant à chaque fois d'améliorer le monde lors de leur incarnation (bien que n'ayant pas de souvenirs de leur vies antérieures).
Très loin des Thanatonautes de Bernard Werber, Robinson peindra les différentes évolutions des civilisations musulmanes, asiatiques, indiennes et amérindiennes. D'influences réciproques en conflits sanglants, de stagnation en renaissance, le récit n'est jamais manichéen et est porteur d'espoir. La transition du moyen age à l'époque moderne est bien narrée, de même que l'ascension et la chute des empires.
Les divisions existant entre les différents peuples et confessions sont admirablement bien traitées aux antipodes de Huntington et de son choc des civilisations. On notera aussi que la découverte de la fission nucléaire est effectuée par une femme (comme dans la réalité avec Lise Meitner) musulmane dans un contexte passionnant de conflit entre islam rénové et conservateur, sous le joug d'un gouvernement revanchard.
Un exercice très bien maîtrisé même si la première nouvelle sous forme de conte est assez déroutante.